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Refus de reconnaissance conjointe et adoption « forcée » : nouvelle précision

La Cour de cassation affirme que l’absence de tentative préalable de reconnaissance conjointe n’est pas une cause d’irrecevabilité de la demande d’adoption formulée dans le cadre des dispositions transitoires de la loi visant à réformer l’adoption.

L’arrêt de rejet rendu par la Cour de cassation le 12 juin 2025 intervient dans le contexte presque classique désormais d’un couple de femmes ayant eu recours à la procréation médicalement assistée pour avoir un enfant « commun ». En l’espèce, deux femmes, en couple depuis plusieurs années, se marient en 2019 puis recourent à une procréation médicalement assistée en Belgique. Des complications en début de grossesse précipitent leur séparation au point que la femme qui porte l’enfant fait obstacle à ce que sa conjointe assiste à l’accouchement et interdit tout contact entre celle-ci et l’enfant dès la naissance, en février 2021. C’est dans ce climat très tendu que, un an plus tard, la conjointe dépose une requête en adoption plénière auprès du Tribunal judiciaire d’Annecy. Le divorce est prononcé peu après. Dans sa décision du 30 novembre 2022, le tribunal a déclaré l’ex-épouse irrecevable en ses demandes pour défaut d’intérêt à agir au motif qu’elle ne démontrait pas le refus explicite opposé par la mère de l’enfant à une demande de reconnaissance conjointe. Sur appel formé, c’est notable, à la fois par l’ex-épouse et par le procureur (lequel concluait néanmoins au rejet de la demande au fond), la Cour d’appel de Chambéry, dans son arrêt du 28 novembre 2023 a, au contraire, déclaré la demande recevable et, statuant au fond, prononcé l’adoption. La mère légale a alors formé un pourvoi que la Cour de cassation rejette par l’arrêt sous examen.

Ce pourvoi revenait, dans son premier moyen, sur la question de la recevabilité de la demande formulée par l’ex-conjointe et, dans le second, critiquait au fond le prononcé de l’adoption plénière par la cour d’appel, en reprochant notamment – le moyen était divisé en sept branches – aux juges du fond de ne pas avoir énoncé en quoi la protection de l’enfant exigeait une telle adoption.

Il offrait ainsi à la Cour de cassation l’opportunité d’apporter des précisions sur le premier point et de réaffirmer sa position sur le second.

Précisions sur la procédure

Pour prononcer l’adoption plénière de l’enfant par l’ex-épouse de sa mère malgré l’opposition de cette dernière, la cour d’appel a mis en œuvre une disposition transitoire de la loi portant réforme de l’adoption (Loi n° 2022-219 du 21 févr. 2022 visant à réformer l’adoption, art. 9). Pour rappel, cette disposition permettait, pendant trois ans à compter de la promulgation de la loi, à toute femme ayant participé à un projet parental régulièrement réalisé à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi bioéthique (Loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique) de faire établir son lien de filiation en demandant l’adoption plénière de l’enfant de l’autre, dans les cas conflictuels où la mère légale s’opposerait à l’établissement de ce lien par le biais d’une reconnaissance conjointe devant notaire.

La jurisprudence porte désormais traces d’un certain nombre de décisions de juges du fond faisant application de cette disposition (v. la jurisprudence citée par L. Brunet, obs. ss. Civ. 1re, 23 mai 2024, AJ fam. 2024. 464 et par M. Mesnil, D. 2024. 1510 ). La Cour de cassation elle-même s’est déjà prononcée (Civ. 1re, 23 mai 2024, n° 22-20.069, Dalloz actualité, 6 juin 2024, obs. L. Gareil-Sutter ; D. 2024. 1510 , note M. Mesnil ; AJ fam. 2024. 464, obs. L. Brunet ; ibid. 325, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; RTD civ. 2024. 631, obs. A.-M. Leroyer ; Dr. fam. 2024. Comm. 88, obs. V. Egéa) mais c’est, à notre connaissance, la première fois que la question de la recevabilité de la requête est soulevée devant elle.

La mère légale de l’enfant soutenait que « la tentative préalable de reconnaissance conjointe devant notaire, pour caractériser le refus de la mère inscrite dans l’acte de naissance de procéder à cette reconnaissance, [était] un formalisme préalable sans lequel la demande d’adoption est irrecevable » et qu’en affirmant le contraire la cour d’appel...

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