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Refus de reconnaissance conjointe et adoption « forcée » : quelle(s) condition(s) ?

La Cour de cassation a précisé les conditions de mise en œuvre des dispositions transitoires permettant à une femme ayant participé à un projet parental avant la loi dite « PMA pour toutes » de passer outre le refus de la mère de l’enfant de procéder à une reconnaissance conjointe « de rattrapage ».

L’arrêt de rejet rendu par la Cour de cassation le 23 mai 2024 intervient dans le contexte désormais familier d’un couple de femmes ayant eu recours à la procréation médicalement assistée pour avoir un enfant « commun ». En l’espèce, deux femmes, en couple depuis plusieurs années, décident de recourir à une procréation médicalement assistée en Belgique. Elles se marient peu de temps avant la naissance de l’enfant en octobre 2018. Un an plus tard, la femme ayant accouché, et donc, à ce titre, mère de l’enfant en vertu de l’article 311-25 du code civil, consent à l’adoption plénière de celui-ci par son épouse. Néanmoins, à la suite de la séparation du couple, elle rétracte son consentement le mois suivant, soit dans le délai légal pour le faire valablement (délai de 2 mois, art. 348-5 c. civ.). L’épouse dépose malgré cela, en novembre 2020, une requête en adoption plénière. Elle est déboutée par le Tribunal judiciaire de Saint-Étienne mais, sur appel, l’adoption est prononcée par la Cour d’appel de Lyon, le 9 juin 2022 (l’arrêt n’était pas passé inaperçu, M. Mesnil, Autant en emporte la PMA pour toutes : enfin reconnues mères !, Dalloz actualité, 6 sept. 2022). La mère légale forme alors un pourvoi que la Cour de cassation rejette par l’arrêt sous examen.

Pour prononcer l’adoption plénière de l’enfant par l’épouse malgré le retrait du consentement de la mère juridique de l’enfant, la cour d’appel a mis en œuvre une disposition transitoire de la loi portant réforme de l’adoption (Loi n° 2022-219 du 21 févr. 2022 visant à réformer l’adoption). Cette disposition (Loi préc., art. 9) permet, pendant trois ans à compter de la promulgation de la loi, à toute femme ayant participé à un projet parental régulièrement réalisé à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi bioéthique (Loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique) de faire établir son lien de filiation en demandant l’adoption plénière de l’enfant de l’autre, précisément dans les cas conflictuels où la mère légale s’opposerait à l’établissement de ce lien (M. Mesnil, Adoption par la seconde femme des enfants issus d’un projet parental commun, obs. ss. Lyon, 29 févr. 2024, AJ fam. 2024. 304 , « Le conflit parental est inhérent aux procédures d’adoption fondées sur l’art. 9 de la loi Limon » ; v. égal., Chambéry, 28 nov. 2023, n° 22/02147).

L’intérêt de l’arrêt sous examen était donc de s’interroger sur les conditions de mise en œuvre de cette disposition transitoire. Selon ce qu’écrivent eux-mêmes les juges de la Cour de cassation dans un paragraphe dont rêvent tous les étudiants en droit chargés de rédiger une fiche de jurisprudence : « Le pourvoi pose la question de savoir si le législateur, en prévoyant que "Le tribunal prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige", a entendu subordonner le prononcé de l’adoption à une condition autonome tenant à l’exigence de protection de l’enfant ». La Cour de cassation répond par la négative.

Des mots du texte…

Pour mesurer la portée de cette décision, il convient donc de revenir sur le moyen du pourvoi. Celui-ci, reprenant le texte de l’article 9, rappelait, dans trois de ses branches, le caractère exceptionnel de l’adoption ainsi prévue et soutenait, schématiquement, d’une part que, en l’espèce, il n’était pas démontré que l’adoption soit dans l’intérêt de l’enfant et, d’autre part, que la cour d’appel n’avait pas spécialement motivé sa décision au regard de la protection qu’une telle adoption conférerait à l’enfant concerné.

Au regard du texte, il...

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