Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Refus de visioconférence par le mis en examen et information délivrée à son conseil

Le juge des libertés et de la détention n’a pas à informer l’avocat du mis en examen que ce dernier, ayant refusé la visioconférence, sera extrait afin d’assurer sa comparution lors de l’audience aux fins de prolongation de sa détention provisoire. 

par Lucile Priou-Alibertle 26 janvier 2018

En l’espèce, une personne mise en examen du chef, notamment, de traite des êtres humains avait été convoquée, le 4 septembre 2017, en même temps que son conseil, pour un débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention (JLD) en vue de la prolongation de sa détention provisoire. Le 8 septembre 2017, le mis en examen faisait part de son refus de comparaître par visioconférence de telle sorte que son extraction était requise. Ce même jour, l’avocat du mis en examen indiquait au JLD qu’il assisterait son client depuis la maison d’arrêt. Au jour dit, l’avocat s’est rendu à la maison d’arrêt où son client n’était de facto pas présent : contacté par le JDL, il indiquait ne pas pouvoir rejoindre à temps la juridiction et acceptait que le débat se déroule hors sa présence. La détention provisoire du mis en examen avait été prolongée. La chambre de l’instruction, saisie sur appel du mis en examen, restait sourde aux arguments invoqués par ce dernier quant à l’irrespect des droits de la défense ayant résulté de l’absence d’information donnée à son conseil sur son extraction et rejetait la requête en nullité présentée par lui. Dans un curieux arrêt, la Cour de cassation entérine le raisonnement des juges du fond et souligne que les formalités de convocation prévues par l’article 114 du code de procédure pénale ont été respectées et que la loi ne prévoit pas que le JDL soit tenu d’adresser une nouvelle convocation au conseil du mis en examen pour lui donner avis de l’extraction de son client ou même de l’en informer. Elle précise encore que les dispositions de l’article 145, alinéa 5, du code de procédure pénale prescrivant, en l’absence de l’avocat choisi, la désignation d’un avocat commis d’office ne sont pas applicables au débat contradictoire tenu pour la prolongation de la détention provisoire.

L’article 145 modifié par l’article 10 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007, dans les suites de l’affaire d’Outreau, a rendu l’avocat obligatoire lors du placement en détention provisoire. Cependant, les articles 145-1 et 145-2 du même code relatifs à la prolongation de la détention provisoire en matière criminelle et correctionnelle, s’ils prévoient que la décision de prolongation de la détention provisoire ne peut être prise que par une ordonnance motivée rendue après un débat contradictoire, l’avocat ayant été convoquée conformément aux dispositions de l’article 114 du code de procédure pénale, n’ont pas rendu la présence de l’avocat obligatoire à ce stade (v., pour la régularité du débat hors présence de l’avocat, Crim. 14 mai 1996, n° 96-81.045, D. 1996. 207 ), ce qui explique, au demeurant, que le contentieux relatif à la régularité du débat devant le JLD au stade de la prolongation de la détention se cristallise autour des modalités de convocation de l’avocat (V. not. C. Guéry, Droit et pratique de l’instruction préparatoire, Dalloz action, n° 434.23).

L’espèce n’y échappait pas mais avec la particularité liée à l’utilisation des moyens de télécommunication audiovisuelle. La question posée était, somme toute, relativement simple : en cas de refus du mis en examen de comparaitre par visioconférence et partant, de décision d’extraction, le juge doit-il en avertir l’avocat ?

La réponse négative de la Cour de cassation étonne, et ce d’autant plus que la Cour de cassation se borne à affirmer que la loi ne prévoit pas une telle information sans nullement faire référence à l’effectivité des droits de la défense. Cette jurisprudence est d’autant plus surprenante que, le 6 décembre 2017, les mêmes juges ont considéré que le mis en examen ne pouvait se faire grief de l’absence de mise à la disposition de son conseil de la procédure dans les locaux de la détention si son conseil n’a pas préalablement informé le magistrat de ce qu’il y assisterait son client (Crim. 6 déc. 2017, n° 17-85.716, Dalloz actualité, 22 janv. 2018, obs. L. Priou-Alibert ; RSC 1997. 455, obs. R. Koering-Joulin ; ibid. 480, obs. R. Koering-Joulin ; JDI 1997. 220, note M. Poutiers). En l’espèce, il paraît évident que l’information délivrée à l’avocat (qui avait, pour sa part, informé le magistrat qu’il se trouverait en détention aux côtés de son client) quant à la décision d’extraction était une condition sine qua non de l’exercice concret des droits de la défense et il nous paraît regrettable que la Cour de cassation n’en ait pas tiré les conséquences.