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Règlement insolvabilité et extension de la procédure collective ouverte en France

La Cour de cassation confirme qu’une juridiction française ne saurait étendre la procédure d’insolvabilité ouverte en France à l’encontre d’une personne localisée sur le territoire d’un autre État membre qu’à la condition que le centre des intérêts principaux de cette personne soit localisé en France.

Après quelques semaines où l’entropie paraissait régner, la Cour de cassation vient confirmer utilement les solutions posées sous l’empire du droit antérieur en matière d’extension d’une procédure collective à un débiteur localisé sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne.

En l’espèce, la filiale française d’une société allemande est mise en redressement judiciaire, cette procédure étant convertie en liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire agit alors sur le fondement de l’existence de relations financières anormales afin de voir étendre la procédure française à la société mère. Pour s’opposer à l’extension, cette dernière invoque l’incompétence de la juridiction française sur le fondement des dispositions du règlement (UE) n° 2015/848 (Règl. du 20 mai 2015 du Parlement européen et du Conseil relatif aux procédures d’insolvabilité, JOUE 5 juin 2015, n° L 141/19 ; ci-après règlement insolvabilité). En vain : le tribunal rejette l’exception d’incompétence territoriale et étend la liquidation judiciaire. Cette décision est confirmée en appel. La société-mère forme alors un pourvoi en cassation.

À l’appui de son pourvoi, la société allemande réitère sans surprise que la cour d’appel a violé les dispositions du règlement insolvabilité édictées en matière de compétence internationale. En premier lieu, elle soutient que la cour d’appel aurait dû, d’une part, vérifier sa compétence en vertu des dispositions du règlement et, d’autre part, mentionner expressément le chef de compétence – localisation du centre des intérêts principaux ou Centre of main interests (COMI), localisation d’un établissement – fondant sa compétence internationale. Or pour confirmer le jugement de première instance qui avait rejeté l’exception d’incompétence, la Cour d’appel a simplement relevé – au visa des articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile français – que l’appelante s’était limitée à solliciter dans ses conclusions l’infirmation du jugement frappé d’appel sans formuler expressément de prétention tendant à accueillir l’exception d’incompétence.

En deuxième lieu, la société allemande soutient qu’une juridiction d’un État membre ayant ouvert une procédure d’insolvabilité au bénéfice d’un débiteur situé sur son territoire ne peut étendre ladite procédure à un débiteur situé sur le territoire d’un autre État membre que sous réserve d’être compétente à l’égard de ce dernier en vertu des dispositions édictées par le règlement. Or le centre des intérêts principaux de la société allemande était présumé être localisé en Allemagne, au lieu de son siège statutaire, et la seule existence d’une confusion des patrimoines n’était pas de nature à renverser cette présomption.

En troisième lieu, l’auteur du pourvoi reproche à la Cour d’appel d’avoir ignoré la présomption de localisation de son centre des intérêts principaux au lieu de son siège statutaire édictée par le règlement insolvabilité. Les juges du fond s’étaient en effet bornés à relever que la société mère détenait 49 % du capital social de la filiale française, que les deux sociétés étaient dirigées par la même personne et que la filiale exploitait son activité en France dans des locaux donnés à bail par sa société-mère, concluant que rien ne permettait de démontrer que le centre des intérêts principaux de cette dernière se situait bien en Allemagne.

La question était donc de déterminer, sous l’empire du règlement Insolvabilité, les conditions applicables à l’extension d’une procédure d’insolvabilité ouverte en France à un débiteur localisé sur le territoire d’un autre État-membre de l’Union européenne. Or aucune disposition de cet instrument ne vise directement l’extension. Cependant, cette question n’était pas complètement nouvelle. En effet, déjà sous l’empire du précédent règlement (Règl. [CE] n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité, JOCE 30 juin 2000, n° L 160, la Cour de cassation française avait saisi la Cour de justice d’une question préjudicielle en la matière dans une affaire Rastelli (Com. 13 avr. 2010, n° 09-12.642, Dalloz actualité, 21 avr. 2010, obs. A. Lienhard ; D. 2010. 1450 , note L. C. Henry ; ibid. 1110, chron. M.-L. Bélaval, I. Orsini et R. Salomon ; Rev. sociétés 2010. 404, obs. P. Roussel Galle ; ibid. 592, note T. Mastrullo ; RTD eur. 2013. 292-26, obs. C. Moille ; BJS juin 2010, p. 571, note J.-L. Vallens ; JCP 2010. Doctr. 958, n° 3, obs. P. Pétel ; LEDEN juin 2010, n° EDED-409258-41006, p. 7, note F. Mélin ; RPC 2010. Repère 4, obs. M. Menjucq).

La réponse de la Cour de justice avait donné lieu à une décision très commentée (CJUE, 1re ch., 15 déc. 2011, aff. C-191/10, Rastelli c/ Hidoux, Dalloz actualité, 21 déc. 2011, obs. A. Lienhard ; D. 2012. 403, et les obs. , note J.-L. Vallens ; ibid. 406, note R. Dammann et Friederike Müller ; ibid. 1228, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; ibid. 2196, obs. F.-X. Lucas et P.-M. Le Corre ; ibid. 2331, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; Rev. sociétés 2012. 189, obs. P. Roussel Galle ; ibid. 313, note N. Morelli ; Rev. crit. DIP 2012. 435, note G. Khairallah ; APC 2012, n° 1, alerte 17, note J. Vallansan ; BJE mars 2012, n° JBE-2012-0053, p. 117, note L.-C. Henry ; BJS mars 2012, p. 240, note J.-E. Kuntz et V. Nurit ; Dr. sociétés 2012. Comm. 127, note J.-P. Legros ; JCP E 2012. 1088, note Y. Paclot et D. Poracchia ; JCP 2012, n° 13, act. 384, note F. Mélin ; LEDEN févr. 2012, n° EDED-412026-41202, p. 6, note F. Mélin ; RPC 2012, n° 1, étude 2, note M. Menjucq ; RPC 2012. Comm. 185, note T. Mastrullo) dont la Cour de...

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