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Regroupement des CRFPA : affectation des fonds

Les biens mobiliers et immobiliers des centres régionaux de formation professionnelle appelés à se regrouper sont transférés au centre régional issu du regroupement. L’action en répétition de l’indu appartient à celui qui a effectué le paiement, à ses cessionnaires ou subrogés ou encore à celui pour le compte et au nom duquel il a été fait.

par Gaëlle Deharole 15 mars 2019

Aux termes de l’article 12 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, la formation professionnelle exigée pour l’exercice de la profession d’avocat est subordonnée à la réussite à un examen d’accès à un centre régional de formation professionnelle. Le centre régional de formation professionnelle est un établissement d’utilité publique doté de la personnalité morale (L. 71-1130, art. 13). C’est le garde des Sceaux, ministre de la justice, qui arrête sur proposition du Conseil national des barreaux le siège et le ressort de chaque centre régional de formation professionnelle. Afin de constituer des entités mieux dotées en moyens humains et matériels et d’offrir aux élèves avocats une formation de qualité sur l’ensemble du territoire (Sénat, question écrite n° 15054, publiée au JO Sénat, 31 mai 2005, p. 1582), l’article 13-1 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, précise qu’il peut être procédé à des regroupements après consultation des centres concernés par le Conseil national des barreaux (CE 28 déc. 2004, n° 275606, Lebon ).

Dans ce contexte, l’article 8 du décret du 6 décembre 2004 fixant le siège et le ressort des centres régionaux de formation professionnelle d’avocats (CRFPA) prévoyait que « le centre régional de formation professionnelle d’avocats ayant pour ressort les ressorts des cours d’appel d’Agen et de Toulouse ainsi que les ressorts des tribunaux de grande instance de Pau et de Tarbes a son siège fixé à Toulouse ».

À l’issue de ce regroupement, le CRFPA de Toulouse avait exercé une action en répétition de l’indu au motif que l’ordre des avocats de Bayonne avait perçu des fonds provenant de la trésorerie du CRFPA de Pau qui, avant sa dissolution, avait décidé le versement aux différents barreaux de son ressort territorial au lieu d’en organiser la transmission aux centres de formation devant lui succéder.

Le CRFPA de Toulouse avait été déclaré irrecevable en sa demande par les premiers juges qui avaient retenu que l’action en répétition de l’indu ne peut être exercée que par le solvens dont ils rappellent qu’il se définit comme celui qui s’est appauvri. À l’opposé, les premiers juges avaient retenu que le CRFPA de Toulouse était en l’espèce créancier et, par conséquent, seule la voie de l’action oblique lui était ouverte. Le CRFPA de Toulouse serait donc, selon les premiers juges, dépourvu d’intérêt et de qualité pour agir en répétition de l’indu contre l’ordre des avocats du barreau de Bayonne. Un pourvoi avait été formé contre cette décision. La question posée à la Cour de cassation portait sur l’articulation des dispositions organisant la répétition de l’indu avec les conséquences du regroupement des CRFPA en termes de patrimoine.

Le demandeur au pourvoi critiquait la décision des premiers juges qui déclaraient sa demande principale irrecevable au motif que le CRFPA de Toulouse était dépourvu de qualité pour agir et relevait que celui-ci était ayant droit des centres supprimés. L’action en répétition de l’indu appartenant à celui qui a effectué le paiement, mais aussi à ses cessionnaires ou subrogés, le CRFPA de Toulouse avait qualité pour exercer l’action en répétition de l’indu dès lors que le législateur l’avait désigné en qualité de successeur du centre supprimé. Enfin, le demandeur à la cassation arguait de l’intérêt qu’il tirait à agir de la destination des fonds litigieux qui avaient pour finalité de financer la formation professionnelle des avocats.

La question est originale. Elle interroge l’ontologie de la répétition de l’indu. La formule renvoie, selon le lexique du professeur Guinchard (S. Guinchard [dir.], Lexique de termes juridiques 2018-2019, Répétition de l’indu, Dalloz, p. 929), au « remboursement de ce qui a été payé sans cause soit parce que la dette n’existait pas du tout (indu objectif), soit parce que la dette a été annulée ou résolue (indu a posteriori), soit parce qu’il n’y avait pas de rapport de débiteur à créancier entre solvens et accipiens (indu subjectif) ». Le mécanisme est régi par le code civil. Plus spécialement, l’article 1302 de ce code prévoit que « tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution ». Cette disposition issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 reprend la règle prévue à l’article 1235, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance et applicable à l’espèce. Bien que la règle soit identique, il faut noter une évolution terminologique, le terme « restitution » venant remplacer celui de « répétition ».

Réciproquement, l’article 1376, dont les dispositions ont été reprises à l’article 1302-1 du code civil par l’ordonnance de 2016, prévoyait que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ».

C’est sous les visas de ces différentes dispositions que la première chambre civile statue en l’espèce, par une décision publiée au Bulletin. Par un chapeau introductif, la Cour de cassation rappelle, d’une part, que « les biens mobiliers et immobiliers des centres régionaux de formation professionnelle appelés à se regrouper sont transférés au centre régional issu du regroupement » et, d’autre part, qu’il résulte de l’article 1er du décret n° 2005-803 du 12 juillet 2005, ensemble les articles 1235 et 1376 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, « que l’action en répétition de l’indu appartient à celui qui a effectué le paiement, à ses cessionnaires ou subrogés ou encore à celui pour le compte et au nom duquel il a été fait ».

Après avoir rappelé la solution des premiers juges qui ont retenu que le CRFPA de Toulouse doit être considéré, au titre des fonds litigieux, comme créancier du CRFPA de Pau et ne dispose d’aucun droit personnel propre pour exercer directement une action en répétition de l’indu contre les bénéficiaires des transferts de fonds dont il conteste la légitimité, la Cour de cassation casse la décision des juges du fond pour violation de la loi en relevant que le CRFPA de Toulouse avait la qualité d’ayant droit du CRFPA supprimé et se trouvait bénéficiaire de la restitution due par le barreau de Bayonne.