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Remise d’un ressortissant européen : priorité à l’Union

Dans un arrêt du 11 octobre 2022, la chambre criminelle confirme la nécessité, pour un État membre de l’Union européenne saisi d’une demande d’extradition par un État tiers, d’en informer au préalable l’État membre dont la personne recherchée a la nationalité pour lui permettre, le cas échéant, d’émettre un mandat d’arrêt européen à son encontre.

L’extradition d’un ressortissant européen sollicitée par un État tiers

En droit de l’extradition, le principe traditionnel d’après lequel l’État requis peut refuser d’extrader ses ressortissants nationaux obéit à une double logique de méfiance (la justice de l’État requérant est a priori regardée comme moins protectrice des justiciables, en particulier si elle est exercée à l’encontre d’un étranger) et de défiance (pourquoi abandonner à la souveraineté d’une puissance étrangère une compétence pénale légalement établie chez soi ?). Fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle et un désir commun de dépolitiser l’entraide répressive internationale après les attentats du 11 septembre 2001, le mandat d’arrêt européen (MAE) institué par la décision-cadre 2002/584/JAI du 13 juin 2002 entraîne la renonciation par les États membres de l’Union européenne à certains des obstacles classiques à la remise d’un individu dès lors qu’il est ressortissant européen. Exit, donc, le principe de non-extradition des nationaux, auquel est néanmoins réservée une place très résiduelle à travers l’article 4, point 6, de la décision-cadre autorisant un État membre à refuser l’exécution d’un mandat délivré aux fins d’exécution d’une peine ou mesure privative de liberté lorsque la personne recherchée est ressortissante de cet État (quoique ce motif de non-exécution, facultatif, vaut également pour des personnes demeurant ou résidant dans l’État d’exécution, et paraît surtout poursuivre l’objectif de ne pas « déraciner » un citoyen intégré dans son lieu de vie).

Méfiance et défiance subsistent cependant à l’égard des États tiers à l’Union, comme en témoigne l’arrêt rendu par la Cour de cassation en l’espèce. Le 18 janvier 2021, la Fédération de Russie transmet aux autorités françaises une demande d’extradition aux fins de l’exercice de poursuites pénales visant un individu ayant la double nationalité russe et maltaise, pour des infractions financières commises entre le 9 décembre 2014 et le 1er septembre 2017. Interpellé à l’aéroport de Roissy, l’intéressé ne consent pas à sa remise aux autorités russes. Par arrêt du 15 décembre 2021, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris émet finalement un avis favorable à la demande d’extradition. L’arrêt avalisant la remise est censuré par la chambre criminelle de la Cour de cassation pour insuffisance de motifs, les juges du Quai de l’Horloge estimant que les autorités maltaises n’ont pas été effectivement mises en...

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