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Réquisitions au procès d’Éric Dupond-Moretti : un ministre et des magistrats éprouvés

Un an de prison avec sursis pour prise illégale d’intérêts a été requis contre Eric Dupond-Moretti par le procureur général près la Cour de cassation Rémy Heitz et l’avocat général Philippe Lagauche, à l’issue des débats, au 7e jour de procès devant la Cour de justice de la République (CJR). Après les coups d’éclat de la veille, le ministre de la Justice est resté atone face à un réquisitoire à deux voix qui a dénoncé sa « désinvolture » et balayé les « diversions » de la défense. Ni les témoins, ni l’accusation, ni l’institution judiciaire n’auront été épargnés dans ce procès inédit d’un garde des Sceaux en exercice.

par Anaïs Coignac, journalistele 16 novembre 2023

« Un personnage entier »

« Jamais quand j’ai prêté serment il y a 35 ans, je n’aurais imaginé être sur le siège du ministère public face à un garde des Sceaux en exercice », lance Rémy Heitz ce mercredi 15 novembre devant la Cour de justice de la République (CJR), dans une salle bondée de public et de journalistes. C’est par cette exclamation que le procureur général près la Cour de cassation, ouvre la séquence des réquisitions, lesquelles vont durer plus de trois heures. Il souligne combien ce procès est « lourd pour [lui] » – il dépend statutairement de l’autorité du garde des Sceaux et ce dernier avait même proposé sa nomination au président de la République. Un procès lourd aussi « pour l’institution et pour les relations interpersonnelles entre ses acteurs qui devront continuer à travailler ensemble après ce procès ». Cette phrase résume à elle seule les enjeux sous-jacents de ce procès, par-delà les chefs d’accusation pour lesquels comparaît le ministre. Ces enjeux s’expriment sans cesse à travers les frictions lors des auditions des témoins, pour la plupart magistrats. Éric Dupond-Moretti est un personnage « entier », a convenu le matin même Jonas Bayard, son ancien conseiller communication en l’entendant bougonner dans son dos, mais « certainement pas rancunier ». Le ministre-prévenu, installé seul sur un large bureau derrière la barre et devant ses avocats, s’écharpe aussi avec l’accusation et avec les avocats des plaignants sur les bancs à gauche – bien que le fonctionnement de la CJR ne prévoit pas de parties civiles. Face à la charge de l’accusation, le ministre semble atone, se retourne peu vers ses avocats comme à son habitude. Il va parfois plonger dans son portable mais reste le plus souvent le visage posé sur ses mains jointes. On l’aura rarement vu si longtemps silencieux. La veille, l’opposition avait viré à l’invective avec l’ancien directeur des services judiciaires, Peimane Ghaleh-Marzban, désormais président du Tribunal judiciaire de Bobigny qui avait ardemment défendu le Parquet national financier (PNF) et le rôle d’Éliane Houlette dans la...

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