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Résiliation fautive d’un contrat de cession de contrat d’édition même en l’absence de remise du manuscrit

La Cour d’appel de Paris rappelle qu’en l’absence de remise du manuscrit, l’éditeur ne peut rompre unilatéralement sans avoir préalablement mis en demeure l’auteur de rendre l’ouvrage ou constaté la défaillance de ce dernier. Reconnaissant une prorogation tacite du contrat, la cour d’appel juge la résiliation fautive, malgré un retard manifeste de l’auteur (2 ans à compter de la date prévue). Dans cette affaire, les demandes d’indemnisation de l’auteur, soi-disant contraint de recourir à l’autoédition pour publier son œuvre avant les élections présidentielles pour lesquelles il est candidat, ne manqueront pas de surprendre… Un retournement argumentatif qui fera sans doute un cas d’école…

Les faits ne sont pas classiques, puisque l’affaire concerne un journaliste, homme politique (et candidat à la présidentielle en 2021), également gérant d’une société, à laquelle il avait cédé les droits d’exploitation sur un ouvrage dont il serait bientôt l’auteur avant de conclure en 2015 un contrat de cession du contrat d’édition avec une société d’édition.

L’auteur gérant s’engageait alors à remettre à l’éditeur au plus tard en juillet 2019 son manuscrit en contrepartie de quoi l’éditeur devait verser une somme brute de 100 000 € (une avance réglée en 3 temps : 30 000 € à la signature du contrat d’édition, 30 000 € à l’acceptation du manuscrit et 40 000 € à la parution de l’ouvrage).

Le contrat stipulait alors que l’à-valoir « se comprend comme un minimum garanti. Il reste définitivement acquis au cédant, quels que soient les résultats de l’exploitation de l’œuvre, sauf défaillance de sa part à remettre le manuscrit définitif de l’auteur dans les formes et les délais visés au contrat ». Le sort de l’à-valoir en cas de défaut de publication était différent selon que le défaut de publication soit le fait de l’éditeur (le cédant conservant alors les sommes versées) ou le fait de l’auteur : « l’éditeur [pouvant] soit résilier le contrat aux torts du cédant, soit lui accorder, le cas échéant, un délai supplémentaire ». Cela impliquait donc qu’en cas de résiliation, le cédant restitue à l’éditeur toutes les sommes qui lui avaient été versées au titre d’avances sur droit.

Le manuscrit n’ayant pas été remis en juillet 2019, on apprend en l’espèce que par courrier du 22 juin 2021, la société d’édition indiquait à l’auteur qu’elle renonçait à la publication de son prochain ouvrage.

Huit jours plus tard, l’auteur assignait l’éditeur pour rupture abusive du contrat.

Par jugement du 25 octobre 2023, le Tribunal judiciaire de Paris l’avait alors débouté et condamné à reverser 30 000 € à l’éditeur, raison pour laquelle il faisait appel devant la Cour d’appel de Paris.

Non-remise du manuscrit et sort du contrat de cession du contrat d’édition

Qu’advient-il lorsque l’auteur ne remet pas son manuscrit à temps ? L’article L. 132-9, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle prévoit que la remise doit avoir lieu dans le délai prévu au contrat ; le retard pouvant alors justifier la résiliation aux torts de l’auteur (v. par ex., Civ. 1re, 14 nov. 1978, Gaz. Pal. 1979. 1. Somm. 100 ; Paris, pôle 5 - ch. 1, 23 oct. 2013, n° 12/04583, Propr. intell. 2014, n° 50, p. 86, obs. A. Lucas). Il a également été jugé que le dépassement du délai par l’auteur n’est pas fautif si l’éditeur a imposé un programme de fabrication du livre comportant de manière implicite mais non équivoque renonciation de sa part aux dispositions contractuelles concernant la date de remise du manuscrit (Paris, 4e ch., 13 févr. 1995, D. 1995. 288 , obs. C. Colombet ; RIDA 4/1995. 241, obs. A. Kéréver ; 30 oct. 1996, RIDA 2/1997. 288). De la même manière, il peut se déduire des échanges entre les parties qu’elles ont convenu d’un délai supplémentaire de remise (Paris, pôle 5 - ch. 1, 11 mai 2022, n° 20/11386, Dalloz actualité, 2 juin 2022, obs. D. Goulette ; Légipresse 2022. 534 et les obs. ; ibid. 561, étude M. Kantor ).

En l’espèce, la Cour d’appel de...

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