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La responsabilité de la société de mandataires judiciaires à raison de la faute de l’un de ses associés

Selon l’article R. 814-83 du code de commerce, lorsque le tribunal nomme une société en qualité de mandataire judiciaire, il désigne en son sein un ou plusieurs associés exerçant l’activité de mandataire judiciaire pour la représenter dans l’exercice du mandat qui lui est confié. Or, il résulte des articles R. 814-84 à R. 814-86 du même code que l’associé d’une société de mandataires judiciaires, qui exerce ses fonctions au nom de la société, ne peut plus exercer sa profession à titre individuel et doit consacrer à la société toute son activité professionnelle. La Cour de cassation en déduit que lorsque la responsabilité professionnelle d’un mandataire exerçant son activité sous une forme sociale est engagée, l’assignation à cette fin est recevable contre la société.

Nous savons que les mandataires judiciaires peuvent exercer leur profession par le biais d’une structure sociétaire notamment en société civile professionnelle (SCP) ou en société d’exercice libéral (SEL) (C. com., art. L. 812-5). À cet égard, il a pu être relevé qu’il y avait là un glissement de la profession libérale — traditionnellement exercée en nom — vers « l’entreprise libérale » (T. Favario, note ss. Com. 27 nov. 2012, n° 11-25.628 P, BJE mai 2013, n° 3, p. 162 ; D. 2012. 2887, obs. A. Lienhard ).

Malgré ce changement, la spécificité de la profession demeure : si la société exerce le mandat de justice (C. com., art. R. 814-83), le mandataire judiciaire associé, désigné par le juge pour conduire la mission, agit au nom de la structure (C. com., art. R. 814-85). En outre, ce mandataire judiciaire doit exercer ses fonctions exclusivement au sein de la société (C. com., art. R. 814-84). Au demeurant, ce dernier élément sécurise le mécanisme de la représentation, puisque l’exclusivité liant le mandataire empêche toute confusion quant à la portée de ses actes.

L’arrêt sous commentaire, ayant les honneurs d’une publication au bulletin, apporte d’intéressantes précisions quant à la pratique des mandataires judiciaires exerçant en société et, plus précisément, quant à la mise en œuvre de leur responsabilité professionnelle.

Les faits de l’arrêt

En l’espèce, un débiteur a été mis en redressement judiciaire et une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) a été désignée en qualité de mandataire judiciaire. Dans le cadre de cette procédure collective, une banque a été admise au passif à titre privilégié pour un certain montant. Durant la période d’observation, plusieurs terrains grevés par des inscriptions d’hypothèques et de privilège de prêteur de deniers de la banque ont été vendus. Le notaire ayant reçu les actes a remis l’intégralité des prix de vente à la société de mandataires judiciaires représentée par l’un de ses associés en charge du dossier. Par la suite, la banque a tenté d’obtenir le versement des sommes issues de la vente auprès du mandataire judiciaire, mais ce dernier a indiqué avoir remis ces sommes au débiteur.

Or, estimant que la responsabilité du mandataire était engagée, la banque a assigné la SELARL représentée par l’associé chargé du dossier.

L’affaire est portée en appel et les juges du second degré vont estimer l’assignation irrecevable en retenant que le mandataire judiciaire qui exerce son activité sous une forme sociale doit, si sa responsabilité est recherchée, être assigné personnellement, en tant que répondant sur son patrimoine des conséquences de ses fautes personnelles et que toute action initiée par voie d’assignation contre la société dont il fait partie est irrecevable.

La banque se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

À l’appui de son pourvoi, la demanderesse faisait notamment valoir que le mandataire judiciaire pratiquant au sein d’une société exerce les fonctions de mandataire judiciaire au nom de cette dernière et ne peut plus, en conséquence, exercer à titre individuel, de sorte qu’en cas de faute commise par le mandataire dans l’exercice de ses fonctions, l’action en responsabilité est recevable contre la société.

La Cour de cassation va souscrire à l’analyse et casser l’arrêt d’appel au visa des articles R. 814-83 à R. 814-86 du code de commerce.

La solution de l’arrêt

La Haute juridiction commence par indiquer qu’il résulte du premier de ces textes que lorsque le tribunal nomme une société en qualité de mandataire judiciaire, il désigne en son sein un ou plusieurs associés exerçant l’activité de mandataire judiciaire pour la représenter dans l’exercice du mandat qui lui est confié.

Ensuite, la Cour de cassation précise que l’associé d’une société de mandataires judiciaires, qui exerce ses fonctions au nom de la société, ne peut plus exercer sa profession à titre individuel et doit consacrer à la société toute son activité professionnelle.

Enfin, et au bénéfice de ce qui précède, la Haute juridiction en tire la conséquence que l’action en responsabilité, à raison des fautes reprochées dans l’exécution de la mission de mandataire judiciaire, était bien recevable contre la société contrairement à ce qu’a jugé...

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