Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Responsabilité du fait d’une chose : anormalité d’un sol couvert de verglas

La cour d’appel, qui a caractérisé que le sol, recouvert de neige verglacée, présentait un état de dangerosité anormal au regard de sa destination, en a exactement déduit que la société qui en était gardienne avait engagé sa responsabilité.

Si le code civil de 1804 ne prévoyait expressément que deux régimes spéciaux de responsabilité du fait d’une chose (la responsabilité du fait des animaux – ancien art. 1385, devenu 1243 – et la responsabilité du fait des bâtiments en ruine – ancien art. 1386, devenu 1244), la jurisprudence a par la suite « découvert », en se fondant sur l’alinéa 1er de l’ancien article 1384, devenu 1242, un principe général de responsabilité du fait d’une chose afin d’adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux liés à l’industrialisation (Civ., 16 juin 1896, Teffaine) puis au développement de la circulation automobile (Cass., ch. réun., 13 févr. 1930, Jeand’heur). Les évolutions techniques ont en effet révélé les insuffisances des règles prévues dans le code civil, un dommage pouvant survenir sans qu’aucune faute n’ait été commise dans une situation comportant des risques. A la suite des travaux de Saleilles et de Josserand, l’idée que les personnes qui créent un risque par leur activité soient tenues d’indemniser les victimes sans avoir à prouver une faute fut ainsi consacrée.

Objectif, le principe général de responsabilité du fait d’une chose est détaché de toute idée de faute : les dommages causés par une chose engagent désormais « automatiquement » la responsabilité civile de leur gardien. Encore faut-il, toutefois, qu’un rôle actif de la chose soit établi (Civ. 19 févr. 1941, Cadé). Là était la principale difficulté dans l’affaire soumise à la deuxième chambre civile le 15 juin 2023 (n° 22-12.162, D. 2023. 1222 ).

En l’espèce, une personne glisse sur le sol enneigé et verglacé dans l’enceinte d’une société qui l’avait conviée à une réception. La cour d’appel déclare la société responsable du dommage corporel de la victime. Elle relève que le chemin, « couvert de verglas caché par la neige et très glissant », avait joué un rôle causal dans la chute de la victime. Elle retient ensuite que « la société est gardienne du sol à l’intérieur de sa propriété, et que cette chose inerte, en position normale lorsqu’elle permet le passage de piétons, ce qui est sa destination fonctionnelle, est en position anormale lorsque le passage est dangereux en raison de l’état de la chose, notamment lorsqu’il a été rendu glissant par des intempéries » (pt 5).

Dans son pourvoi en cassation, la société conteste, d’une part, sa qualité de gardienne : la neige et le verglas, à l’origine de l’accident, seraient des choses sans maître (res nullius), la société étant seulement gardienne du sol. La cour d’appel aurait ainsi violé l’ancien article 1384 du code civil. Elle souligne, d’autre part, que la responsabilité du « gardien d’une chose inerte tel que le sol recouvert de neige verglacée suppose que sa présence ait eu un caractère anormal », ce qu’il...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :