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Article

La responsabilité du fait des produits défectueux et le cas des pathologies évolutives devant la CJUE
La responsabilité du fait des produits défectueux et le cas des pathologies évolutives devant la CJUE
Élaboré il y a quarante ans et applicable en France depuis 1998, le régime de responsabilité du fait des produits défectueux continue de donner du fil à retordre aux juridictions. C’est le cas, notamment, lorsqu’un produit est à l’origine d’une pathologie évolutive. C’est à ce sujet qu’une cour d’appel a décidé de surseoir à statuer et de poser trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.
Garantir la protection des consommateurs tout en tenant compte du fait que « les produits s’usent avec le temps, que des normes de sécurité plus strictes sont élaborées et que les connaissances scientifiques et techniques progressent » (Dir. 85/374/CEE du Conseil du 25 juill. 1985, consid. 11) et qu’il convient donc de limiter, notamment dans le temps, la responsabilité du producteur : tel est le difficile équilibre que tente d’instaurer la directive européenne du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Sur la conciliation entre ces deux impératifs, le cas des pathologies évolutives est particulièrement saillant. Faut-il appliquer strictement les dispositions de la directive de 1985 ou bien, au contraire, faut-il faire preuve de souplesse et adapter certaines dispositions afin de préserver le droit à réparation des victimes ? Ces questions sont au cœur d’un litige qui oppose une patiente au laboratoire Sanofi et dans lequel les juges du fond ont transmis trois questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne. Dans l’attente de la décision, nous proposons de revenir sur les conclusions de l’avocate générale, présentées le 19 juin dernier.
Commençons par un bref rappel des faits. En 2003, une patiente s’est fait administrer un vaccin fabriqué par le laboratoire Sanofi Pasteur. En 2004, elle a commencé à présenter divers symptômes. Elle a ensuite subi différents examens médicaux, dont une biopsie en 2008, qui a révélé que la patiente était atteinte d’une pathologie neurologique induite par l’hydroxyde d’aluminium utilisé dans de nombreux vaccins. En 2015, la Commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI) a été saisie et a ordonné une expertise. À la suite du rapport qui a conclu à l’absence d’arguments permettant d’imputer la maladie au vaccin, la CCI a rejeté la demande de la victime. Cette dernière a, finalement, assigné trois défendeurs, dont le laboratoire Sanofi Pasteur, en 2020. Elle s’est appuyée sur deux fondements : la responsabilité du fait des produits défectueux et la responsabilité pour faute.
En 2021, le juge de la mise en état du Tribunal judiciaire d’Alençon a constaté que l’action était prescrite. Un an plus tard, la Cour d’appel de Caen a également débouté la victime de ses demandes. Le 5 juillet 2023, la Cour de cassation a censuré cette décision, en considérant qu’en présence d’une pathologie évolutive, le délai triennal de prescription propre à la responsabilité du fait des produits défectueux ne peut commencer à courir tant qu’il est impossible de fixer une date de consolidation (Civ. 1re, 5 juill. 2023, n° 22-18.914, Dalloz actualité, 6 oct. 2023, obs. A. Cayol ; D. 2023. 1310 ; ibid. 2024. 34, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz
; RTD civ. 2023. 908, obs. P. Jourdain
).
Saisie sur renvoi, la Cour d’appel de Rouen a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice de l’Union européenne trois questions préjudicielles. La première porte sur l’interprétation de l’article 13 de la directive de 1985 et interroge, en substance, la possibilité d’invoquer contre le producteur une faute en lien avec le défaut du produit, et qui permettrait à la victime d’agir sur le terrain de la responsabilité du fait personnel. La seconde porte sur l’interprétation de l’article 11 de la directive, qui instaure un délai décennal de forclusion, et sur la validité de cet article dans le cas d’une pathologie évolutive au regard de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La troisième porte sur l’interprétation de l’article 10 de la directive qui prévoit un délai de prescription triennal et sur le point de départ de ce délai en présence d’une pathologie évolutive. Nous aborderons d’abord la question de la faute en lien avec le défaut du produit, puis celle du délai triennal, avant d’envisager celle du délai décennal. C’est en effet, nous semble-t-il, sur ce dernier point que la position de la Cour de justice est particulièrement attendue.
Sur le lien entre la faute du producteur et le défaut du produit
Dans l’affaire qui nous occupe, la victime argue du fait que le laboratoire Sanofi Pasteur est resté passif, n’a pris aucune mesure, alors qu’il avait connaissance du défaut du vaccin. Cette absence de réaction constituerait une faute, permettant à la victime d’agir sur le fondement de la responsabilité du fait personnel. De son côté, Sanofi Pasteur prétend que la faute qui est reprochée ne diffère pas du défaut de sécurité.
Rappelons, au préalable, que la responsabilité du fait des produits défectueux est un régime de responsabilité objective. Il repose sur le défaut du produit, et non sur une éventuelle faute du producteur : c’est donc une responsabilité de plein droit qui est instaurée (Rép. civ., v° Responsabilité du fait des produits défectueux, par C. Caillé, n° 5). C’est également un régime de responsabilité partiellement exclusif. En effet, et comme il est rappelé dans les conclusions (§ 19), il résulte de l’article 13 de la directive de 1985 et de son interprétation issue de l’arrêt González Sánchez (CJCE 25 avr. 2002, n° C-183/0, D. 2002. 2462 , note C. Larroumet
; ibid. 2458, chron. J. Calais-Auloy
; ibid. 2937, obs. J.-P. Pizzio
; ibid. 2003. 463, obs. D. Mazeaud
; RTD civ. 2002. 523, obs. P. Jourdain
; RTD com. 2002. 585, obs. M. Luby
) que la victime d’un dommage ne peut se prévaloir d’autres régimes de responsabilité – contractuelle ou délictuelle – qu’à la condition que ces régimes reposent sur des fondements différents du défaut de sécurité du produit (Rép. civ., v° Responsabilité du fait des produits défectueux, préc., nos 101 s.). C’est le cas de la responsabilité pour faute, prévue en droit français à l’article 1240 du code civil. La question qui se pose est de savoir s’il est possible d’invoquer, sur le terrain de la responsabilité du fait personnel, une faute qui serait en lien avec le défaut du produit. Dans ce cas, le fondement est-il différent du défaut de sécurité ? Dans ses conclusions, l’avocate générale soutient que oui. Le comportement fautif du producteur est nécessairement en lien avec le défaut du produit, puisque ce qui est reproché au producteur c’est de ne pas avoir fait preuve de diligence et de ne pas avoir pris les mesures appropriées alors qu’il avait connaissance des risques découlant de la défectuosité du produit (§ 42). Mais la responsabilité engagée n’est pas exclusivement liée au défaut du produit : elle est aussi liée à la faute du producteur. La victime pourrait ainsi agir contre le producteur sur le terrain...
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