Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Responsabilité du prestataire de services de paiement : le triomphe du droit spécial

Dans un arrêt rendu le 27 mars 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation précise que dès lors que la responsabilité du code monétaire et financier d’un prestataire de services de paiement est recherchée pour une opération non autorisée ou mal exécutée, tout régime alternatif de responsabilité doit être écarté.

Les directives concernant les services de paiement 2007/64/CE du 13 novembre 2007 et (UE) 2015/2366 du 25 novembre 2015, dites respectivement « DSP1 » et « DSP2 », continuent d’alimenter un contentieux important. Les arrêts rendus et publiés au Bulletin à propos de ces deux textes sont, en ce sens, scrutés par les professionnels du secteur bancaire. La Cour de cassation parvient ainsi à dessiner les contours de l’interprétation nécessaire en la matière année après année (v. à ce titre, Com. 30 août 2023, n° 22-11.707 F-B, Dalloz actualité, 28 sept. 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 2124 , note J. Lasserre Capdeville ; RTD com. 2023. 925, obs. D. Legeais ; 9 févr. 2022, n° 17-19.441 FS-B, Dalloz actualité, 14 févr. 2022, obs. C. Hélaine ; Revue pratique du recouvrement - EJT 2022. 19, chron. S. Piédelièvre ; D. 2022. 276 ; 30 nov. 2022, n° 21-17.614 F-B, Dalloz actualité, 6 déc. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 2156 ; RTD com. 2023. 201, obs. D. Legeais ; 1er juin 2023, n° 21-19.289 F-B, Dalloz actualité, 6 juin 2023, obs. C. Hélaine ; D. 2023. 1116 ).

Certaines décisions permettent également de prendre acte de solutions dégagées par la Cour de justice de l’Union européenne en fonction des renvois préjudiciels dont cette dernière est saisie. L’arrêt rendu le 27 mars 2024 par la chambre commerciale de la Cour de cassation en est une brillante illustration en ce qu’il utilise l’orientation interprétative de l’arrêt Beobank rendu le 16 mars 2023 (CJUE 16 mars 2023, aff. C-351/21).

Commençons par rappeler brièvement les faits ayant donné lieu au pourvoi. Une société ouvre, à une période non précisée, des comptes dans les livres d’un établissement bancaire. Entre novembre et décembre 2016, la banque reçoit des courriels de sa cliente pour procéder à quatre ordres de virements au profit de comptes situés à l’étranger. La société cliente conteste en août 2017 les virements en exposant à son établissement bancaire que sa messagerie électronique a été piratée. Elle assigne, dans ce contexte, la banque faute d’avoir gain de cause à l’amiable. La société sollicite la restitution des sommes versées en exécution des ordres de virement et le paiement de dommages et intérêts. En cause d’appel, la banque est condamnée à verser à sa cliente la somme de 199 834,54 € de dommages et intérêts au titre des préjudices causés par les différents ordres de virement sur le fondement de l’article 1147 ancien, devenu l’article 1231-1 du code civil après l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

L’établissement bancaire se pourvoit en cassation en arguant qu’une telle solution est contraire à la directive 2007/64/CE, celle-ci étant d’application exclusive par rapport au droit commun. Ainsi, selon elle, seuls les articles L. 133-1 et suivants du code monétaire et financier devaient être applicables en l’espèce.

Son pourvoi lui permettra d’obtenir gain de cause puisque l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 27 mars 2024 aboutit à une cassation de la décision rendue par la Cour d’appel de Metz pour violation de la loi. La solution mérite que l’on s’y attarde à divers égards.

Le rappel de l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne

L’arrêt étudié donne une large place à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 mars 2023 évoqué dans l’introduction du présent commentaire. Cette dernière avait en effet rappelé que « sont incompatibles avec ladite directive tant un régime de responsabilité parallèle au titre d’un même fait générateur qu’un régime de responsabilité concurrent qui permettrait à l’utilisateur de services de paiement d’engager cette...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :