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Responsabilité du producteur : le fait du tiers est indifférent

Le fait d’un tiers qui a contribué à la survenance du dommage ne réduit pas la responsabilité de plein droit du producteur d’un produit si sa défectuosité est une des causes du dommage. 

par Anaïs Hacenele 11 janvier 2019

L’arrêt rendu le 28 novembre 2018 vient rappeler le terrible « crash » en mer de l’Airbus A 320 de la compagnie Indonesia Air Asia qui a entraîné la mort de cent-cinquante-cinq passagers et sept membres d’équipage en 2014.

Les proches des victimes ont assigné en référé, sur le fondement de l’article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, la société Airbus, fabricant de l’aéronef, et la société Artus, fabricant du module électronique RTLU équipant l’avion accidenté, en paiement d’indemnités provisionnelles. La cour d’appel d’Angers a rejeté leur demande estimant l’obligation des producteurs de l’avion et du module sérieusement contestable parce qu’ils n’avaient pas connaissance de l’absence de fiabilité de ce dernier et que d’autre causes imputables à d’autres personnes avaient concouru à la réalisation du dommage.

Confrontée au pourvoi des nombreux demandeurs, la Cour de cassation reprend les juges du fond sur deux points.

Le premier point est relatif aux conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux du producteur.

La cour d’appel n’a pas procédé au versement de la provision en jugeant que l’obligation d’indemnisation des fabricants était sérieusement contestable en ce que le dommage n’est pas imputable au défaut du produit mais à sa seule implication, ce qui ne suffit pas à engager leur responsabilité du producteur.

Il est vrai que la simple imputabilité du dommage au produit incriminé ne permet pas, à elle seule, d’établir son défaut ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage. La Cour de cassation rappelle régulièrement l’exigence de cette double preuve imposée par l’article 1245-8 du code civil qui dispose que « le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage » (V. Civ. 1re, 27 juin 2018, n° 17-17.469, Dalloz actualité, 27 juill. 2018, obs. A. Hacene ; RTD civ. 2018. 925, obs. P. Jourdain ; 4 févr. 2015, n° 13-27.505, Bull. civ. I, n° 32 ; Dalloz actualité, 24 févr. 2015, obs. A. Cayol ; ibid. 2016. 167, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; RTD civ. 2015. 404, obs. P. Jourdain ; Gaz. Pal. 2015. 951, obs. P. Oudot). Ces preuves peuvent résulter de simples présomptions à la condition qu’elles soient graves, précises et concordantes (V. CJUE 21 juin 2017, aff. C-621/15, Cts WW c/ Sanofi-Pasteur, Dalloz actualité, 28 juin 2017, obs. T. Coustet ; D. 2017. 1807 , note J.-S. Borghetti ; ibid. 2018. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; RTD civ. 2017. 877, obs. P. Jourdain ; JCP 2017. 908, note. G. Viney ; RCA 2017, n° 9, p. 3, chron. L. Bloch ; Civ. 1re, 18 oct. 2017, n° 14-18.118 et n° 15-20.791, Dalloz actualité, 31 oct. 2017, obs. A. Hacene , note J.-S. Borghetti ; ibid. 35, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; RDSS 2017. 1136, obs. J. Peigné ; RTD civ. 2018. 140, obs. P. Jourdain ; RTD eur. 2018. 340, obs. A. Jeauneau ; JCP 2018. Doctr. 262, obs. M. Baccache). Par conséquent, la CJUE comme la Cour de cassation admettent que causalité scientifique et causalité juridique peuvent être indépendantes l’une de l’autre.

Il en résulte que la simple implication du produit dans la réalisation du dommage ne suffit pas à établir son...

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