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Restriction à la liberté de circulation d’un individu soupçonné de crimes de guerre

Les personnes soupçonnées d’avoir commis dans le passé des crimes de guerres peuvent faire l’objet de mesure portant atteinte à leur liberté de circulation. La Cour de justice de l’Union européenne a précisé à quelles conditions ces restrictions pouvaient intervenir.

par Emmanuelle Maupinle 7 mai 2018

Pour la Cour de justice de l’Union européenne, la nécessité pour un État membre de prendre des mesures restreignant la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union soupçonné d’avoir participé, dans le passé, à des crimes de guerre doit être évaluée au cas par cas.

La Cour était saisie par le tribunal de la Haye du cas d’un ressortissant croato-bosniaque et par le conseil du contentieux des étrangers belge de la situation d’un demandeur d’asile d’origine afghane, coupables de crimes de guerre. Les juridictions s’interrogeaient sur la compatibilité de la décision de refus de séjour avec la directive de l’Union relative au droit de circulation et de séjour des citoyens européens.

La juridiction rappelle qu’il ressort de la directive 2004/38/CE que « les États membres peuvent adopter des mesures qui restreignent la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, notamment pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique. » Ainsi, une restriction apportée aux libertés de circulation et de séjour d’une personne qui a fait l’objet, dans le passé, d’une décision d’exclusion du statut de réfugié au motif qu’il y avait de sérieuses de penser qu’il a commis un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, est susceptible de relever de la notion de mesures d’ordre public ou de sécurité publique.

Une appréciation au cas par cas de la situation de la personne

Pour autant, le fait que la personne concernée a fait l’objet, dans le passé, d’une décision d’exclusion du statut de réfugié ne saurait automatiquement conduire à la constatation que sa simple présence sur le territoire de l’État membre d’accueil constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. « Les mesures justifiées par des raisons d’ordre public ou de sécurité publique ne peuvent être prises qu’après une appréciation au cas par cas […] », estime la Cour.

Cette appréciation doit tenir compte de la nature et la gravité des crimes ou des agissements qui lui sont reprochés ; du niveau d’implication individuelle de la personne dans ceux-ci ; l’existence éventuelle de motifs d’exonération de sa responsabilité pénale ainsi que l’existence ou non d’une condamnation pénale. Mais aussi du laps de temps qui s’est écoulé depuis la commission présumée de ces crimes ou agissements ainsi que du comportement ultérieur dudit individu. De plus, cette évaluation implique de mettre en balance, d’une part, la protection de l’intérêt fondamental de la société en cause et, d’autre part, les intérêts de la personne concernée, relatifs à l’exercice de sa liberté de circulation et de séjour ainsi qu’à son droit au respect de la vie privée et familiale.

Enfin, précise la Cour, lorsque les mesures envisagées impliquent l’éloignement de l’individu, l’État membre d’accueil « doit prendre en compte la nature et la gravité du comportement de l’individu, la durée et, le cas échéant, le caractère légal de son séjour dans cet État membre, la période qui s’est écoulée depuis le comportement qui lui est reproché, sa conduite pendant cette période, le degré de sa dangerosité actuelle pour la société, ainsi que la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec ledit État membre ».