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Retour à la résiliation du bail rural sans préjudice pour mise à disposition illicite des terres, en passant par la cession prohibée

Le preneur ou, en cas de cotitularité, tous les preneurs, qui, après avoir mis le bien loué à la disposition d’une société, ne participent plus aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation, abandonnent la jouissance du bien loué à cette société et procèdent ainsi à une cession prohibée du droit au bail à son profit. Dans ce cas, le bailleur peut solliciter la résiliation du bail sans être tenu de démontrer un préjudice.

Le principe de prohibition de la cession ou de la sous-location du bail rural

Le bail rural permet la mise à disposition, à titre onéreux, à un fermier d’un fonds agricole pour qu’il l’exploite. Le statut du fermage qui le régit est largement impératif, en ce qu’il relève de considérations d’ordre public portant sur la protection de la stabilité des exploitations et des fonds agricoles – avec en toile de fond souveraineté alimentaire, productivité et développement économique – ou sur des questions écologiques…

Dans ce cadre, l’article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime prohibe par principe la cession du bail rural, tout comme ses sous-locations.

La cession d’un bail rural en cours, c’est-à-dire le transfert à un tiers par le preneur de tout ou partie de son droit personnel d’exploiter le fonds loué, est ainsi frappée d’une nullité d’ordre public, même si elle est consentie à titre gratuit (Civ. 3e, 23 avr. 1975, n° 74-10.423 P).

L’idée que le bail rural serait par nature intuitu personae n’est pas la seule raison derrière cette prohibition, dès lors que l’accord du bailleur à la cession est indifférent (Civ. 3e, 5 mars 1997, n° 95-19.062 P). Il s’agit également de préserver l’organisation des structures d’exploitation et d’éviter la spéculation sur les terres agricoles. Tout intéressé peut donc solliciter la nullité de la cession illicite.

La nullité absolue d’une telle cession n’est du reste pas la seule sanction prévue par le code rural et de la pêche maritime. L’article L. 411-74 organise également une sanction pénale dans certains cas et surtout, l’article L. 411-31, II, 1°, en fait l’une des rares causes de résiliation du bail aux torts du preneur.

Afin de tenir compte de la pratique et de l’évolution des structures d’exercice des fermiers, le statut du fermage a toutefois autorisé des exceptions à la prohibition de la cession du bail rural, notamment dans le cadre familial, mais aussi des dérogations pour certaines formes de mise à disposition de l’objet du bail rural à un tiers. Ces dérogations sont bien sûr encadrées très strictement.

Une exception : la mise à disposition encadrée des terres à une société agricole dont le preneur est membre ou associé

C’est ainsi que partant du constat que, pour développer de façon plus productive son activité ou bénéficier de la mise en commun de moyens de production, le fermier doit parfois adhérer à une société agricole, le code rural a autorisé deux mécanismes facilitant l’exploitation des terres dans cette configuration : la mise à la disposition des biens loués à une société agricole dont le preneur est associé (C. rur., art. L. 323-14 et L. 411-37) et l’apport du droit au bail à une société agricole (C. rur., art. L. 411-38).

La première a l’avantage de ne pas requérir l’accord du bailleur et suppose seulement que le bailleur soit avisé de la mise à disposition dans ses deux mois. Elle conserve surtout au preneur ses droits d’exploitants, puisqu’il reste seul titulaire du bail rural, qui n’est pas transféré à la personne morale. Par ailleurs les droits du bailleur ne sont pas modifiés, mais les coassociés du preneur, ainsi que la société si elle est dotée de la personnalité morale, sont tenus indéfiniment et solidairement avec le preneur de l’exécution des clauses du bail.

L’article L. 411-37, III, précise que le preneur doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l’exploitation des biens mis à disposition, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation.

Malgré cette mention explicite de la possibilité de prononcer la résiliation, la mise en œuvre de cette sanction de la violation des dispositions de l’article L. 411-37 a connu une évolution, dans laquelle s’inscrit l’arrêt sur lequel portent ces observations.

Flux et reflux de la sanction des contraventions aux règles de mise à disposition des biens loués

Dans un premier temps, la Cour de cassation a considéré que tout manquement aux dispositions de l’article L. 411-37 pouvait entraîner la résiliation du bail rural, en passant notamment par l’assimilation du défaut de respect des conditions légales à une cession prohibée.

Malgré les termes de l’article L. 411-37, précisant que la résiliation n’est pas encourue si les omissions ou...

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