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Retour sur la confidentialité du mandat ad hoc et de la conciliation

L’article L. 611-15 du code de commerce édicte une obligation de confidentialité en matière de mandat ad hoc et de conciliation. Le moyen qui postule que cette obligation ne s’applique qu’à l’égard des tiers et non entre les parties à la procédure manque à ces dispositions.

L’article L. 611-15 du code de commerce dispose que « toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité ». Depuis 2015, la Cour de cassation continue patiemment de clarifier le régime de cette obligation de confidentialité. Sa dernière décision en la matière, datant du 5 octobre 2022, apporte de précieuses précisions à cet égard.

En l’espèce, une banque consent au cours de l’année 2005 une ouverture de crédit de 350 000 € et un prêt de 800 000 € à une société, son dirigeant étant caution solidaire dudit prêt. Cependant, en raison de diverses difficultés, cette société bénéficie postérieurement d’une procédure de conciliation débouchant en 2008 sur un accord homologué par le tribunal. Or ce protocole prévoit notamment la constitution de nouvelles garanties au profit de la banque créancière et, plus particulièrement, de nouveaux engagements de cautionnement solidaire de la part du dirigeant.

Malheureusement l’accord de conciliation n’est pas exécuté jusqu’à son terme. Une nouvelle conciliation est alors ouverte, sans succès, de sorte qu’une procédure de redressement judiciaire est ouverte en 2012, procédure qui est convertie en liquidation judiciaire un an après. La banque produit sa créance au passif et, à la suite de son admission, assigne le dirigeant caution solidaire en paiement. Pour s’opposer à cette demande, le dirigeant excipe notamment du comportement fautif du créancier lors du déroulement de la deuxième procédure de conciliation et sollicite reconventionnellement sa condamnation à des dommages-intérêts équivalents au montant des sommes réclamées au titre des cautionnements consentis, le montant de la condamnation à intervenir devant se compenser avec le montant de la dette garantie. Or, la cour d’appel déboute le dirigeant de ses demandes après avoir écarté, au visa de l’article L. 611-15 du code de commerce, l’ensemble des pièces relatives au déroulement de la procédure de conciliation qu’il avait produites. Le dirigeant se pourvoit alors en cassation.

Le demandeur au pourvoi développe trois arguments devant la Haute juridiction. En premier lieu, il considère que l’obligation de confidentialité édictée en matière de de conciliation ne s’applique qu’à l’égard des tiers et non entre les parties à cette procédure. En deuxième lieu, il relève qu’en tant que partie à la procédure de conciliation il avait été le destinataire des échanges produits aux débats dans l’instance l’opposant à la banque créancière. Dès lors, ces échanges ne pouvaient selon lui revêtir un caractère confidentiel à son égard. Enfin, en troisième lieu, la cour d’appel aurait dû constater que les pièces relatives à la conciliation étaient indispensables à l’exercice de son droit à la preuve et proportionnées aux intérêts en présence, de sorte que la cour d’appel avait privé sa décision de base légale au regard du droit à un procès équitable édicté à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La Cour de cassation balaye les deux derniers arguments, jugeant qu’ils ne sont manifestement pas de nature à entraîner à la cassation pour se concentrer uniquement sur le premier. S’agissant du premier, et au visa de l’article L. 611-15 du code de commerce, la Haute juridiction décide de manière lapidaire que le moyen selon lequel cette obligation ne s’appliquerait qu’à l’égard des tiers manque en droit. Le pourvoi est donc rejeté.

La confidentialité du mandat ad hoc et de la conciliation, principe absolu

La Cour de cassation a raison de rappeler la lettre des dispositions de l’article L. 611-15 du code de commerce. D’abord, à la différence de ce qui était soutenu par le demandeur au pourvoi, ces dispositions n’opèrent aucune distinction entre les parties à la procédure de mandat ad hoc ou de conciliation et les tiers mais visent toute personne qui y est appelée c’est-à-dire, notamment, les principaux créanciers et les contractants habituels appelés à la conciliation, qu’ils acceptent ou non de négocier. Les parties à la conciliation sont donc nécessairement concernées par l’obligation de confidentialité.

Ensuite, c’est la Cour de cassation qui, dans un arrêt très commenté (Com. 15 déc. 2015, n° 14-11.500, D. 2016. 5, obs. A. Lienhard ; ibid. 1894, obs. P.-M. Le Corre et F.-X. Lucas ; Rev. sociétés 2016. 193, obs. P. Roussel Galle ; Légipresse 2016. 12 et les obs. ; RTD com. 2016. 191, obs. F. Macorig-Venier ; Dr. et patr. 2016, n° 260, p. 82, note C. Saint-Alary-Houin ; JCP E 2016, n° 6, p. 25, note T. Stefania ; RLDA 1er avr. 2016, n° 114, p. 39, note...

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