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Retour sur la délicate articulation entre la compétence du juge de la mise en état et celle du juge des référés

La désignation du juge de la mise en état dans une instance ne fait pas obstacle à la saisine du juge des référés lorsque l’objet du litige est différent de celui dont est saisie la juridiction du fond.

L’unification du premier degré de juridiction en matière civile autour du tribunal judiciaire, dont nous venons tout juste de célébrer le cinquième anniversaire, aurait pu, au moins pouvait-on espérer, si ce n’est définitivement mettre fin, à tout le moins réduire les questions de compétence en matière civile. En réalité, loin d’avoir été toutes dissipées, les questions de compétence paraissent seulement s’être déplacées : si l’on discute aujourd’hui peut-être moins de l’articulation de la compétence du tribunal judiciaire avec celle d’une autre juridiction, on discute toujours et peut-être même davantage de la répartition des compétences de toutes les juridictions qui se trouvent au sein du tribunal judiciaire – et pour cause, le tribunal judiciaire compterait en son sein pas moins de trente-six juridictions (N. Cayrol, Les juridictions du tribunal judiciaire, in Les coutures du droit. Mélanges en l’honneur de P. Théry, LGDJ, 2022, p. 125 s.) ! À cet égard, l’arrêt rendu le 16 janvier par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation permet de revenir sur la subtile répartition entre la compétence du juge de la mise en état et celle du juge des référés.

Une société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) exerce son droit de préemption sur la vente de plusieurs parcelles. Les acquéreurs évincés contestent la décision de préemption et assignent à cette fin la SAFER. Postérieurement à la désignation du juge de la mise en état, la SAFER saisit le juge des référés d’une demande de libération sous astreinte des parcelles occupées par les acquéreurs évincés. La Cour d’appel de Besançon, statuant sur l’appel de l’ordonnance de référé, confirme l’incompétence du juge des référés, en raison de la désignation, dans le cadre de l’instance au fond, d’un juge de la mise en état. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel, considérant que le juge des référés reste compétent, en dépit de la désignation du juge de la mise en état, pour connaître de la demande de libération des parcelles dès lors que l’objet de ce litige est différent de celui dont est saisie la juridiction du fond.

L’arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation opère ainsi un rappel utile : si le juge de la mise en état bénéficie d’une compétence largement étendue et exclusive, cette dernière ne fait pas obstacle à ce que ponctuellement le juge des référés puisse connaître de demandes de mesures provisoires en lien avec les demandes formulées par les parties au cours d’une instance au fond.

La compétence extensive et exclusive du juge de la mise en état

La mise en état est une phase particulièrement décisive du règlement des litiges, contribuant non seulement au contrôle de la procédure, mais aussi à la préparation du règlement au fond par le tribunal. Conscient de l’importance qu’elle présente, le législateur contemporain n’a eu de cesse de développer cette phase d’instruction préparatoire. En témoigne notamment la compétence du juge de la mise en état qui s’est, au gré des réformes successives, considérablement étoffée. Pour s’en tenir aux évolutions les plus récentes, on rappellera que le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a permis au juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir (M. Kebir, Réforme de la...

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