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Retour sur l’application du principe non bis in idem en matière de fraude fiscale

Il appartient à la cour d’appel – qui a constaté que le prévenu avait fait l’objet de sanctions fiscales définitives pour les mêmes faits, après avoir énoncé le montant des pénalités fiscales – de s’expliquer concrètement sur la proportionnalité de l’ensemble des sanctions pénales choisies et fiscales déjà prononcées au regard de la gravité des faits commis.

L’application du principe non bis in idem en matière de fraude fiscale – véritable serpent de mer – fait l’objet d’une jurisprudence particulière dense tant en droit interne qu’européen. Le 14 juin 2023, la chambre criminelle est venue rappeler la nécessité pour une cour d’appel de justifier la proportionnalité des sanctions fiscales déjà prononcées et pénales à la lumière de la gravité des faits commis.

En l’espèce, une avocate avait été renvoyée devant le tribunal du chef de fraude fiscale à la suite d’une plainte déposée par l’administration fiscale. Il apparaissait qu’à l’occasion d’une perquisition réalisée au domicile de l’intéressée, la somme de 246 000 € en espèces avait été découverte dans sa buanderie. Interrogée sur l’origine de cet argent, elle avait expliqué que cette somme provenait de l’exercice de sa profession et qu’elle n’avait pas été déclarée à l’administration fiscale.

Plus précisément, il était reproché à la prévenue de s’être frauduleusement soustraite à l’établissement et au paiement partiel de la TVA exigible et au paiement partiel de l’impôt sur le revenu en faisant notamment une déclaration sur le revenu fortement minorée.

Elle était condamnée à dix-huit mois d’emprisonnement avec sursis, trois ans d’interdiction professionnelle et au paiement des impôts fraudés à des majorations et pénalités afférentes. Un appel était interjeté, lequel confirmait la décision de première instance.

Un pourvoi était alors formé par la requérante au terme duquel elle critiquait la décision de rejet de l’exception tirée du principe non bis in idem.

État des lieux de la jurisprudence

Pour rappel, l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose que « nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi ».

Ce principe a également été précisé par un récent arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne à l’occasion duquel la cour a indiqué que « le droit fondamental garanti à l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 52, § 1, de la même Charte, devait être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui n’assure pas, dans les cas de cumul d’une sanction pécuniaire et d’une peine privative de liberté, par des règles claires et précises, le cas échéant telles qu’interprétées par les juridictions nationales, que l’ensemble des sanctions infligées n’excède pas la gravité de l’infraction constatée » (CJUE 5 mai 2022, aff. C-570/20, BV et Direction départementale des finances publiques de la Haute-Savoie, Dalloz actualité, 18 mai 2022, obs. J. Gallois).

En droit interne, le Conseil constitutionnel a été conduit à se prononcer sur l’application de ce principe sous le prisme de la proportionnalité en dégageant 4 critères à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité rendue dans l’affaire EADS (Cons. const. 18 mars 2015, n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC, Dalloz actualité, 20 mars 2015, obs. J. Lasserre Capdeville ; AJDA 2015. 1191, étude P. Idoux, S. Nicinski et E. Glaser