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Retour sur l’obligation précontractuelle d’information du distributeur d’assurance

Deux arrêts récents permettent de revenir sur le régime complexe de l’obligation précontractuelle d’information pesant sur les distributeurs d’assurance.

par Julien Delayen, Membre du CEPRISCAle 3 octobre 2022

Si la transposition récente d’une directive de 2016 (dir. [UE] n° 2016/97 du 20 janv. 2016) par l’ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018 a conduit au remplacement de la notion d’intermédiaire en assurance (hérité d’une première directive, dir. [CE] n° 2002/92 du 9 déc. 2002, sur l’intermédiation en assurance) par celle de distributeur d’assurance, la fonction de distribution revêt toujours, dans le secteur de l’assurance, une coloration particulière, qui la rapproche plus d’une fonction d’intermédiation. C’est qu’« en raison de la position particulière de l’intermédiaire qui reste tiers au contrat d’assurance, il ne peut être que l’inspirateur des décisions opportunes que prendra l’assuré pour la satisfaction de son besoin d’assurance, connu de l’intermédiaire » (J. Bigot et al., La distribution d’assurance, 3e éd., LGDJ, 2020, p. 835, n° 1158). C’est donc essentiellement au travers de l’exécution d’un devoir d’information et de conseil que le distributeur d’assurance exerce sa fonction. C’est pourquoi, de longue date, la jurisprudence a imposé à ce dernier une obligation précontractuelle d’information fondée sur le droit commun de la responsabilité civile contractuelle (Civ. 1re, 10 nov. 1964, JCP 1965. II. 13981, note P. P.), laquelle a été relayée récemment par une législation spéciale adoptée sous l’influence du droit européen (C. assur., art. L. 520-1, II, 2° issu de la directive de 2002 précité qui a été déplacé et densifié par l’effet de l’ord. du 16 mai 2018 à l’art. L. 521-4 c. assur.). Il en ressort un paysage complexe où cohabitent encore deux corps de règles, jurisprudentielles et légales, et sur lequel plane l’influence européenne. Deux arrêts récents, rendus le 15 septembre 2022 et destinés tous deux aux honneurs de la publication, permettent de revenir sur cette complexité.

Dans la première affaire (n° 21-15.528), un contrat d’assurance est conclu par l’intermédiaire d’un courtier afin de garantir les risques liés à un spectacle de cascade et de rodéo automobiles organisé par une société et son gérant le 15 juillet 2007. Ces derniers reprochent au courtier un manquement à son obligation de conseil dès lors qu’il ne leur aurait pas indiqué que la couverture de l’assurance se limitait aux seuls risques automobiles (ce qui excluait la couverture du sinistre lié à l’électrocution de quatre bénévoles lors de l’installation des équipements).

Dans la seconde affaire (n° 21-13.670, Dalloz actualité, 23 sept. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 1660 ), le contrat d’assurance est conclu, cette fois, par l’intermédiaire d’un établissement de crédit, à l’occasion d’une opération de prêt conclue en 2006. L’emprunteur adhère ainsi à une assurance de groupe destinée à garantir le remboursement de ce prêt en cas de décès ou d’incapacité de travail. Il est cette fois reproché à la banque de ne pas avoir informé l’assuré de l’existence d’une clause excluant la garantie dès lors que le dommage était causé par « les suites médicales ou conséquences d’antécédents de santé mentionnés sur le bulletin d’adhésion ».

Dans les deux affaires, les requérants sont déboutés en appel mais l’arrêt est finalement cassé par le juge du droit. Le rapprochement de ces deux solutions permet de revenir tant sur la question du régime de responsabilité applicable que sur la caractérisation du manquement à l’obligation précontractuelle d’information et sur le préjudice réparable.

Le fondement de la responsabilité

Les deux arrêts commentés permettent, d’abord, d’illustrer deux évolutions caractéristiques qui ont trait au régime de la responsabilité applicable en cas de manquement par le distributeur à son obligation précontractuelle d’information.

On constate, d’une part, un processus de fusion progressive entre le droit commun et le droit spécial, parfaitement illustré par le premier arrêt commenté. Son visa mêle ainsi le droit commun (C. civ., art. 1147 anc. devenu art. 1231-1) et le droit spécial (C. assur., art. L. 520-1, II, 2° anc.) afin d’évoquer la responsabilité du courtier. Il ressort surtout, et d’autre part, du principe exposé par la Cour que la mise en...

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