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Article

Retour sur la vis attractiva concursus en droit de l’Union européenne
Retour sur la vis attractiva concursus en droit de l’Union européenne
Une action introduite dans un État membre contre une société, tendant au paiement de marchandises livrées, bien qu’elle ne fasse état ni de la procédure d’insolvabilité antérieurement ouverte contre cette société dans un autre État membre ni du fait que la créance a déjà été déclarée dans la masse de l’insolvabilité, ne constitue pas une action dérivant directement de la procédure d’insolvabilité et s’y insérant étroitement. Par conséquent, elle ne relève pas de la compétence exclusive du tribunal de la procédure d’insolvabilité.

Le droit comparé de l’insolvabilité comprend un principe en vertu duquel le tribunal saisi d’une procédure collective connaît de tout ce qui la concerne. Désigné par l’expression vis attractiva concursus (force d’attraction de la faillite), ce principe traditionnel de prorogation matérielle de compétence se justifie par l’influence réciproque, plus souvent encore que la connexité ou l’indivisibilité, des questions qui peuvent se poser et la nécessité pratique d’en grouper le traitement judiciaire. En droit de l’Union européenne, l’application de la vis attractiva concursus est à l’origine d’une abondante jurisprudence dont le présent arrêt constitue un récent développement.
En l’espèce, une société belge avait livré du carburant pour le compte d’une société néerlandaise dans le cadre d’un ensemble de contrats d’avitaillement. La cliente ayant été soumise à une procédure d’insolvabilité principale ouverte aux Pays-Bas, le créancier avait produit sa créance résultant d’une facture impayée et, postérieurement, avait aussi assigné en paiement la débitrice devant une juridiction belge, car une condamnation de la débitrice s’avérait nécessaire pour qu’il puisse actionner les garanties bancaires constituées à son bénéfice.
En première instance, les juges belges s‘étaient déclarés compétents mais avaient jugé irrecevable la demande du créancier sur le fondement des dispositions du droit des entreprises en difficulté. À la suite de l’appel du créancier, la juridiction d’appel avait estimé devoir examiner de manière plus approfondie sa compétence internationale, après avoir constaté que le débiteur n’avait jamais comparu, ni en première instance ni devant elle. Cette compétence internationale étant fixée, alternativement, soit par les dispositions du règlement (UE) n° 1215/20212 (dit « Bruxelles I bis ») soit par celles du premier règlement Insolvabilité (Règl. [CE] n° 1346/2000), elle avait donc saisi la Cour de justice de deux questions préjudicielles afin de préciser l’articulation entre les champs d’application respectifs des deux instruments.
D’abord, il était demandé à la Cour de déterminer si l’action du créancier tombait sous le coup des dispositions de l’article 1er, § 2, b), du règlement Bruxelles I bis, lequel pour mémoire exclut du champ d’application de cet instrument les « les faillites, concordats et autres procédures analogues ».
Ensuite, il était demandé de vérifier la compatibilité avec le règlement Insolvabilité des dispositions de la loi néerlandaise – en tant que lex fori concursus – en ce qu’elles paraissaient autoriser qu’une action soit intentée contre le débiteur, mais avec des effets patrimoniaux, devant une autre juridiction que celle ayant ouvert la procédure d’insolvabilité. En effet, l’article 25, § 2, de la wet op het faillissement en de surséance van betaling (loi sur la faillite et le sursis de paiement), du 30 septembre 1893 (NFW) semblait admettre une telle option sur le fondement d’une distinction entre les actions concernant les intérêts personnels du failli par opposition à celles se rapportant à la masse de la procédure d’insolvabilité.
Dans une décision très motivée et synthétisant tous les progrès de sa jurisprudence en la matière, la Cour de justice décide que l’exclusion de l’article 1er, § 2, b), du règlement Bruxelles I bis ne s’applique pas à une action introduite dans un État membre contre une société, tendant au paiement de marchandises livrées, qui ne fait état ni de la procédure d’insolvabilité antérieurement ouverte contre cette société dans un autre État membre ni du fait que la créance a déjà été déclarée dans la masse de l’insolvabilité. Dans ces conditions, elle juge qu’il n’est pas nécessaire de répondre à la deuxième question préjudicielle.
Critères de l’action annexe ou connexe
Dans le système des règlements Bruxelles I bis et Insolvabilité, la compétence des juridictions de l’État d’ouverture est exclusive. Par conséquent, dès lors que le premier exclut de son champ d’application matérielle les procédures d’insolvabilité, tout ce qui ne relève pas à ce titre de cet instrument doit relever du règlement Insolvabilité et inversement. La Cour de justice entend ainsi éviter à la fois les vides et les chevauchements (v. ainsi, CJUE 6 févr. 2019, NK, aff. C-535/17, Dalloz actualité, 22 févr. 2019, obs. F. Mélin ; D. 2019. 262 ; ibid. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux
; 18 sept. 2019, Riel, aff. C-47/18, Dalloz actualité, 9 oct. 2019, obs. F. Mélin ; D. 2019. 2277
, note J.-L. Vallens
; ibid. 2020. 1970, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux
; Rev. crit. DIP 2020. 139, note L. Pailler
; JDI 2021. 697, note F. Jault-Seseke et D. Robine), intention louable alors que la pratique révèle toutes les difficultés de cette articulation comme en témoigne le constat dressé par le projet européen Enhancing Enforcement under Brussels Ia (En2BrIa ; sur ce projet, v. https://dispi.unige.it/node/1042 [consulté le 16 déc. 2024]).
Le champ d’application du règlement insolvabilité doit être interprété strictement (CJUE 20 déc. 2017, Valach e.a., aff. C-649/16, D. 2018. 18 ; ibid. 966, obs. S. Clavel et F. Jault-Seseke
; ibid. 1934, obs. L. d’Avout et S. Bollée
; Europe 2018. 70, note L. Idot ; Procédures 2018. 14, note C. Nourissat) pour...
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