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Rétractation du promettant : la chambre commerciale harmonise sa jurisprudence

Dans un arrêt rendu le 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation vient harmoniser sa position sur la rétractation du promettant dans des promesses unilatérales de vente régies par le droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 en refusant, en l’espèce, de moduler les effets de son revirement au bénéfice du promettant qui s’est rétracté.

Parmi les innovations de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’article 1124 du code civil et son bris de jurisprudence sur la rétractation du promettant dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente a fait couler beaucoup d’encre en doctrine (v. sur ce point F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 13e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2022, p. 278, n° 259). À la suite de cette nouveauté dans le droit positif, d’une manière assez surprenante, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a, après quelques hésitations, décidé de modifier sa jurisprudence pour les contrats antérieurs au 1er octobre 2016. Elle a pu ainsi préciser que le promettant s’obligeait définitivement à vendre dès cette promesse, rendant sa rétractation inefficace même avant l’ouverture du délai d’option qui est offert au bénéficiaire (v. Civ. 3e, 23 juin 2021, n° 20-17.554, D. 2021. 1574 , note L. Molina ; ibid. 2251, chron. A.-L. Collomp, B. Djikpa, L. Jariel, A.-C. Schmitt et J.-F. Zedda ; ibid. 2022. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; AJDI 2022. 226 , obs. F. Cohet ; Rev. sociétés 2022. 141, étude G. Pillet ; Rev. prat. rec. 2022. 25, chron. O. Salati ; RTD civ. 2021. 630, obs. H. Barbier ; ibid. 934, obs. P. Théry  ; 20 oct. 2021, n° 20-18.514, Dalloz actualité, 17 nov. 2012, obs. G. Tamwa Talla ; D. 2021. 1919 ; ibid. 2022. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; AJDI 2022. 384 , obs. F. Cohet ; Rev. prat. rec. 2022. 25, chron. O. Salati ; RTD civ. 2022. 112, obs. H. Barbier ). La chambre commerciale de la Cour de cassation a décidé, dans son arrêt du 15 mars 2023 aujourd’hui commenter, de suivre cette voie et de revirer sa propre jurisprudence dans une décision particulièrement longue et permettant d’étudier également la possible modulation des effets du revirement, laquelle était questionnée par le promettant, défendeur au pourvoi. Rappelons les faits pour comprendre toute la portée de cet arrêt assurément très intéressant, destiné toutefois seulement au Bulletin là où on aurait pu, peut-être, l’attendre également au sein des Lettres de chambre.

Deux sociétés concluent, le 21 juin 2012, un protocole d’accord cadre qui a pour objet l’entrée d’une d’entre-elles dans une société filiale de l’autre. La première partie du protocole prévoit que l’une des sociétés acquiert donc 47 % de la société tierce, le solde étant détenu par la société cocontractante. La deuxième partie de la convention stipulait une promesse unilatérale de cession de 13 % des actions de la même société, le bénéficiaire devant lever l’option dans les six mois de la tenue de l’assemblée générale approuvant les comptes clos au 31 décembre 2015. La troisième partie du protocole prévoyait, quant à elle, une promesse synallagmatique de vente de l’ensemble des actions encore détenues par le propriétaire initial sous condition suspensive de la réalisation sans heurt des deux cessions précédentes. Le 8 mars 2016, le promettant notifie au bénéficiaire de la promesse sa rétractation de la promesse unilatérale. Le 28 juin de la même année, le bénéficiaire notifie à cette même société son intention de lever l’option. Le bénéficiaire mécontent de ne pas pouvoir obtenir la cession des parts promises a assigné son cocontractant en exécution forcée de la promesse et en paiement de dommages-intérêts. Les juges du fond rejettent la demande de réalisation forcée de la vente, la demande de dommages et intérêts et annulent la troisième partie de la convention. Ils avancent que, conformément au droit antérieur à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la rétractation du promettant exclut toute rencontre de volontés réciproques de vendre et d’acquérir, signant ainsi l’impossibilité de faire droit à la demande de réalisation forcée de la vente. Nous l’aurons compris, le bénéficiaire de la promesse se pourvoit en cassation en 2021 critiquant cette position jurisprudentielle. C’est ainsi que la chambre commerciale de la Cour de cassation a pu connaître de ce pourvoi lui laissant la possibilité de revirer sa propre jurisprudence sur cette question.

L’arrêt aboutit à une cassation pour violation de la loi : nous l’étudierons sous l’angle de l’harmonisation des jurisprudences en premier lieu puis de l’absence de modulation de l’application du revirement en second lieu.

Une harmonisation attendue de la position de la chambre commerciale

Dans l’arrêt du 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation vient utilement mettre à profit la technique de rédaction dite de la motivation enrichie pour accompagner son revirement de jurisprudence. Il s’agit d’un des arrêts publiés au Bulletin les plus motivés de ces dernières années, sans aucun doute tant la question effleure...

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