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Revirement relatif à la transcription des actes de naissance d’enfants nés d’une GPA

Le refus de transcrire, à l’état civil français, l’acte de naissance étranger d’un enfant né à l’étranger des suites d’une gestation pour autrui et ayant un parent français ne peut plus être justifié par la seule existence de la convention de GPA dès lors que l’acte de naissance litigieux mentionne en qualité de père et mère les véritables parents biologiques de l’enfant.

par Rodolphe Mésale 7 juillet 2015

Par les deux arrêts rendus le 3 juillet 2015, l’Assemblée plénière procède à un revirement, qui pouvait être attendu, relativement à la question de savoir si l’acte de naissance étranger d’un enfant né à l’étranger d’un parent français peut faire l’objet d’un refus de transcription sur les registres consulaires français au seul motif que cet enfant est né des suites d’une convention de gestation pour autrui (GPA). Il ressort en effet de ces arrêts que le seul recours à une convention de GPA conclue entre le père français et la mère porteuse étrangère ne permet pas de justifier un tel refus de transcription dès lors que l’acte étranger est régulier, qu’il n’est pas falsifié, le tout alors que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité.

Les faits ayant donné lieu à ces deux décisions sont similaires. Dans les deux espèces, le père de l’enfant concerné, qui est de nationalité française, s’était rendu en Russie pour conclure une convention de GPA avec une femme de nationalité russe, le père avait reconnu l’enfant et l’acte de naissance russe désignait le père biologique en qualité de père et la ressortissante russe qui avait accouché de l’enfant en Russie en qualité de mère. Dans la première affaire (n° 14-21.323), l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes le 15 avril 2014, qui avait rejeté la demande de transcription de l’acte de naissance, a été cassé au visa des articles 47 du code civil, 7 du décret du 3 août 1962 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans la seconde (n° 15-50.002), le pourvoi formé contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes le 16 décembre 2014, qui avait ordonné la transcription de l’acte de naissance russe, a été rejeté.

Le visa de l’arrêt de cassation permet d’apprécier la portée de la solution retenue par l’Assemblée plénière. La Haute juridiction a, en effet, considéré qu’il résulte de l’article 47 du code civil et de l’article 7 du décret du 3 août 1962 que l’acte de naissance qui concerne un Français, qui est dressé en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays, est transcrit sur les registres de l’état civil sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Ces considérations lui ont permis d’affirmer qu’un acte de naissance étranger d’un enfant né à la suite d’une GPA dont un des parents est français doit être transcrit dès lors que les mentions de cet acte correspondent à la réalité, et plus précisément dès lors que la personne mentionnée en qualité de père est le père biologique de l’enfant alors que la personne mentionnée en qualité de mère est la mère porteuse qui a accouché de cet enfant, ceci au motif qu’un tel acte de l’état civil, s’il a été rédigé dans les formes usitées dans le pays, ne peut être regardé, sauf preuve contraire, comme irrégulier, falsifié ou comme déclarant des faits ne correspondant pas à la réalité.

Il est donc clair, au regard de ces éléments, que la solution adoptée par l’Assemblée plénière, qui va dans le sens de la transcription de l’acte de naissance étranger de l’enfant né à la suite d’une GPA, est cantonnée à la seule hypothèse dans laquelle cet acte mentionne comme père et mère de l’enfant les deux personnes qui sont ses véritables parents biologiques, c’est-à-dire, en ce qui concerne la mère, la ressortissante étrangère qui a porté cet enfant et qui a accouché. De la sorte, l’Assemblée plénière est revenue sur la position de principe exprimée, antérieurement et classiquement, par la première chambre civile selon laquelle il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil (Civ. 1re, 6 avr. 2011, n° 09-17.130, Bull. civ. I, n° 70 ; 6 avr. 2011, n° 09-66.486, Bull. civ. I, n° 71 et 6 avr. 2011, n° 10-19.053, Bull. civ. I, n° 72 ; Dalloz actualité, 14 avr. 2011, obs. C. Siffrein-Blanc , note D. Berthiau et L. Brunet ; ibid. 1001, édito. F. Rome ; ibid. 1064, entretien X. Labbée ; ibid. 1585, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 1995, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2012. 308, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 1228, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2011. 262 ; ibid. 265, obs. B. Haftel ; ibid. 266, interview M. Domingo ; AJCT 2011. 301, obs. C. Siffrein-Blanc ; RTD civ. 2011. 340, obs. J. Hauser ), mais aussi selon laquelle est justifié le refus de la transcription d’un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de GPA (Civ. 1re, 13 sept. 2013, n° 12-30.138, Bull. civ. I, n° 176 ; Dalloz actualité, 17 sept. 2013, obs. I. Gallmeister ; ibid. 2349, chron. H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; ibid. 2377, avis C. Petit ; ibid. 2384, note M. Fabre-Magnan ; ibid. 2014. 689, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 954, obs. REGINE ; ibid. 1059, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; ibid. 1171, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 1516, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ; ibid. 1787, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; AJ fam. 2013. 579 ; ibid. 532, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; ibid. 600, obs. Clélia Richard et F. Berdeaux-Gacogne ; AJCT 2013. 517 , obs. R. Mésa ; Rev. crit. DIP 2013. 909, note P. Hammje ; RTD civ. 2013. 816, obs. J. Hauser ; 19 mars 2014, n° 13-50.005, Bull. civ. I, n° 45 ; Dalloz actualité, 2 avr. 2014, obs. R. Mésa , note H. Fulchiron et C. Bidaud-Garon ; ibid. 901, avis J.-P. Jean ; ibid. 1059, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; ibid. 1171, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 1787, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2015. 649, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 755, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2014. 244, obs. F. Chénedé ; ibid. 211, obs. A. Dionisi-Peyrusse ; Rev. crit. DIP 2014. 619, note S. Bollée ; RTD civ. 2014. 330, obs. J. Hauser ).

L’Assemblée plénière se plie également, avec les deux arrêts du 3 juillet 2015, aux exigences formulées par la Cour européenne des droits de l’homme dans ses arrêts Menesson et Labassée contre France du 26 juin...

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