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Risques naturels : mise à jour des informations lors de la signature de l’acte authentique

En cas d’inscription par un arrêté préfectoral d’un bien immobilier dans une zone prescrite par un plan de prévention des risques naturels prévisibles, entre la date de signature de la promesse synallagmatique de vente et la réitération par acte authentique, le vendeur de l’immeuble est tenu de compléter le dossier de diagnostic technique, produit à la date du compromis, en fournissant une mise à jour de l’état des risques existants à la date de la réitération par acte authentique.

par Elisabeth Botrelle 10 octobre 2019

Introduit dans le code de l’environnement par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 (entrée en vigueur au 1er juin 2006), l’article L. 125-5 du code de l’environnement prévoit une information, pesant sur le vendeur d’un bien immobilier, à destination de l’acquéreur, concernant les risques visés par un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP), prescrit ou approuvé, pour les immeubles situés dans de telles zones (l’obligation valant également pour les plans de prévention des risques technologiques, pour les zones de sismicité définies par décret, et depuis le 1er juillet 2018, pour les zones à potentiel radon définies par voie réglementaire. Outre les acquéreurs, les locataires sont aussi concernés par la fourniture de ces informations ; pour des critiques concernant la rédaction de l’article, F. G. Trébulle, Réflexions autour de la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels, RDI 2004. 23 ).

Parallèlement, l’ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 a imposé de réunir dans un seul document (appelé « dossier de diagnostic technique ») l’ensemble des états, constats et diagnostics destinés à l’information des acquéreurs de biens immobiliers. L’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation visant ce dossier et listant les différents documents, envisage « l’état des risques naturels et technologiques » (CCH, art. L. 271-4, 5°) ; cet article prévoit également la sanction en cas de manquement au respect de l’obligation d’information : « l’acquéreur peut poursuivre la résolution de la vente ou demander au juge une diminution du prix » (sanction aussi visée par l’art. L. 125-5 c. envir.).

La sanction du manquement à cette obligation est donc spécifique par rapport aux autres informations de l’article L. 271-4 du CCH (par ex., pour le risque d’exposition au plomb, la présence d’amiante ou encore de termites) pour lesquelles « le vendeur ne peut pas s’exonérer de la garantie des vices cachés correspondante ». Une question susceptible de naître, en application du droit de la vente immobilière posant en principe que la promesse de vente vaut vente, est l’incidence du classement de l’immeuble, objet de la vente, dans une zone rouge d’un PPRNP approuvé entre la date de la signature de la promesse de vente et celle de la réitération de l’acte authentique pour valider ou non du respect de l’obligation d’information des risques naturels pesant sur le vendeur. C’est notamment en réponse à ce problème qu’a été rendu cet arrêt de la Cour de cassation.

En l’espèce, par acte sous seing privé d’août 2008, puis par acte authentique de mars 2009, une SCI avait vendu un terrain de camping. Mais, après avoir essuyé un refus de la part des services instructeurs quant à la délivrance d’un permis de construire pour l’édification d’un local sur le terrain vendu, les acquéreurs assignent les vendeurs en résolution de la vente et en indemnisation de leurs préjudices pour défaut d’information quant à l’existence d’un PPRNP ayant intégré le terrain dans une zone rouge concernant le risque inondation.

La cour d’appel avait fait droit à la demande en prononçant la résolution de la vente et la restitution du prix. Les vendeurs du bien forment alors un pourvoi en cassation en rappelant tout d’abord qu’une promesse de vente valait vente ; dès lors, en cas de promesse synallagmatique réitérée par acte authentique, la vente intervenait à la date du compromis et non à celle de la réitération. Par conséquent, pour les demandeurs au pourvoi, c’est à la date de la promesse que le dossier technique imposé par l’article L. 271-4 du CCH devait être fourni et que c’était à cette date que les juges du fond auraient dû se placer pour apprécier le respect de l’obligation d’information, incombant au vendeur, concernant l’état des risques naturels.

Dans cette affaire, entre la date de la signature du compromis et la date de la réitération par acte authentique, un arrêté préfectoral approuvant le PPRNP avait été pris et dont la cartographie montrait que le terrain était désormais situé en zone rouge du plan de prévention des risques d’inondations. Autrement dit, et comme l’ont soulevé les demandeurs au pourvoi, l’arrêté préfectoral n’existait pas au jour de la signature de la promesse de vente puisqu’apparu postérieurement (même s’il a été pris avant la signature de l’acte authentique). Pour le pourvoi, c’était à la date de la signature du compromis que devait être apprécié le respect de l’obligation d’information de fournir un état des risques naturels.

Le pourvoi a également tenté de soulever que l’état des risques naturels et technologiques incombant au vendeur « est établi à partir des informations mises à disposition par le préfet » en application de l’article L. 125-5 du code de l’environnement. Or, l’arrêté préfectoral ne faisait pas partie des informations mises à disposition par le préfet sur le site internet de la préfecture alors que l’arrêt d’appel avait retenu que les informations mises sur ce site n’avaient qu’une « valeur indicative ». Les « informations mises à disposition par le préfet » (C. envir., art. L. 125-5) s’entendaient-elles donc de celles accessibles sur le site internet de la préfecture comme le soulevait le pourvoi ?

La Cour de cassation rejette ce dernier aussi bien concernant la critique visant le moment de la fourniture de l’état des risques naturels que sur les modalités d’accès aux informations concernant ces risques.

La fourniture d’une information à jour quant aux risques naturels à la date de la signature de l’acte authentique

Si le pourvoi a d’abord tenté de rappeler que la vente était parfaite au jour de la signature de la promesse synallagmatique (parce qu’à cette date, les vendeurs avaient rempli leur obligation d’information sur les risques eu égard aux connaissances de l’époque), la Cour de cassation indique que « si après la promesse de vente, la parcelle sur laquelle est implanté l’immeuble objet de la vente est inscrite dans une zone couverte par un PPRNP prescrit ou approuvé, le dossier de diagnostic technique est complété, lors de la signature de l’acte authentique de vente, par un état des risques ou par une mise à jour de l’état des risques existants ». C’est à la date de la signature de l’acte authentique que l’acquéreur doit être informé des risques, aussi bien en l’absence de signature préalable d’un compromis que lorsque l’information a évolué entre la signature de la promesse et la réitération par acte authentique. Il s’agit là d’une garantie pour l’acheteur d’acquérir un bien en toute connaissance de cause au regard d’éventuels changements de circonstances.

Cette sécurité accordée à l’acheteur est d’ailleurs envisagée par le dernier alinéa de l’article L. 271-5 du code de la construction et de l’habitation qui dispose clairement que « si, après la promesse de vente, la parcelle sur laquelle est implanté l’immeuble est inscrite dans une des zones [à risques] […], le dossier de diagnostic technique est complété lors de la signature de l’acte authentique de vente par un état des risques naturels et technologiques ou par la mise à jour de l’état existant ».

Dans l’affaire rapportée, le vendeur avait d’ailleurs annexé à l’acte définitif de vente un nouvel état des risques, établi par un professionnel quatre jours avant la date de la signature de l’acte authentique, puisqu’entre la signature de la promesse et celle de l’acte définitif s’étaient écoulés plus de sept mois. Le premier état des risques naturels produit était donc périmé conformément à l’article R. 125-26 du code de l’environnement (l’article fixant un délai de validité de six mois).

Pour autant, dans cette affaire, l’état annexé à l’acte authentique n’envisageait que des informations elles-mêmes périmées (la cartographie du PPRNP, seulement prescrit en 2002, montrait que le terrain « était assez éloigné des zones inondables ») et il n’envisageait pas l’arrêté préfectoral pris postérieurement approuvant le PPRNP et dont la cartographie avait classé le bien en « zone d’aléa inondation faible à fort hors zone urbanisée » (il faut préciser pour bien saisir l’espèce que cet arrêté préfectoral avait d’ailleurs été publié dans le recueil des actes administratifs environ un mois avant la signature de l’acte authentique). Dès lors, pour les vendeurs condamnés à la résolution de la vente et à la restitution du prix, on comprend mieux l’intérêt d’avoir tenté de démontrer que la vente était parfaite au jour de la signature de la promesse et que c’était à cette date que les juges auraient dû se placer pour vérifier le respect de l’obligation spéciale d’information (à cette date, en effet, l’information fournie par l’état des risques naturels était exacte). Néanmoins, comme il a été indiqué, cette argumentation n’a trouvé aucun écho aussi bien pour les juges du fond que pour les magistrats de la Cour de cassation, solution qui se justifie amplement au regard de la rédaction même des textes.

L’accès aux informations concernant les risques naturels de la part des vendeurs de biens immobiliers

Accessoirement l’arrêt posait aussi la question de l’accès à l’information sur les risques naturels pour les vendeurs d’immeubles à l’heure de la dématérialisation et d’internet. Contrairement aux autres éléments du dossier de diagnostic technique, l’état des risques naturels peut être établi par le vendeur lui-même car il n’y a aucune nécessité d’avoir recours à un professionnel (mais rien n’empêche le vendeur de confier cette mission à un professionnel ou au notaire, ce qui est, en principe, plus sûr pour lui).

Lorsque le bien est concerné par l’obligation d’information (ce qui peut déjà être difficile à déterminer pour un particulier en raison de la multiplicité des cartographies, d’autant plus que celles-ci « ne mentionnent pas les noms des rues », J. Lafond, Les diagnostics immobiliers, LexisNexis, 2008, spéc. n° 377, p. 137), le vendeur doit remplir un formulaire d’ « état des risques et pollutions » (selon la nouvelle dénomination) téléchargeable, par exemple, sur le site internet du ministère de la Transition écologique et solidaire. Un vendeur, prenant la décision d’accomplir lui-même cette tâche, doit pouvoir avoir accès à l’information ; or, la consultation du site internet de la préfecture du département dans lequel se situe le bien lui garantit-il ici une information opposable ? C’est l’interprétation de l’article L. 125-5 du code de l’environnement que soulevait le pourvoi : les « informations mises à disposition par le préfet » envisagées par l’article, devaient s’entendre comme de celles accessibles sur le site internet de la préfecture.

Dans cette espèce, le professionnel qui avait fourni le nouvel état annexé à l’acte authentique n’avait d’ailleurs fait que consulter ce site internet alors que l’arrêté préfectoral de novembre 2008 n’y apparaissait pas. Dans cet arrêt, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir estimé que les informations accessibles sur ledit site internet n’avaient qu’une « valeur informative ». La décision rappelle que les arrêtés préfectoraux approuvant un PPRNP font l’objet d’une publication au recueil des actes administratifs des services de l’État dans le département. La Cour de cassation estime d’ailleurs que « la consultation de ce recueil était susceptible de renseigner utilement les contractants ».

Plus globalement, la partie réglementaire du code de l’environnement prévoit plusieurs formes de publicité de ces arrêtés préfectoraux : le préfet les adresse tout d’abord « aux maires des communes intéressées et à la chambre départementale des notaires » (C. envir., art. R. 125-25, I ; à ce titre on comprend implicitement mais nécessairement que les notaires sont les premiers concernés par l’accomplissement de l’obligation incombant aux vendeurs) ; ils sont aussi « affichés dans les mairies de ces communes et publiés au recueil des actes administratifs […] » (C. envir., art. R. 125-25, II). 

À l’ère du numérique, on peut toutefois comprendre la critique formulée de ne pas avoir accès aux informations directement sur le site internet de la préfecture. Certes, le ministère de la Transition écologique et solidaire a ouvert assez récemment le portail Géorisques pour permettre aux particuliers de connaître notamment « les risques prêts de chez eux », mais le site renvoie à la consultation des documents réglementaires en vigueur (autrement dit aux arrêtés préfectoraux qui ne sont donc pas nécessairement accessibles sur les sites internet des préfectures). Enfin, rappelons que si l’obligation d’information incombant aux vendeurs concerne les PPRNP approuvés par arrêtés, elle touche aussi ceux qui ne sont que prescrits, c’est-à-dire en cours d’élaboration et pour lesquels il peut être encore plus délicat d’avoir accès à l’information (si les PPRNP approuvés valent servitude d’utilité publique au sens de l’art. L. 151-43 c. urb. et ainsi sont annexés aux PLU des communes, il n’en est pas de même de ceux seulement prescrits ; v. G. Palais, Risques naturels et technologiques majeurs : encore une obligation légale d’information, AJDI 2006. 808 s. ).

Si la solution de la Cour de cassation doit être approuvée en ce qu’elle offre à l’acquéreur une garantie, elle implique corrélativement un devoir accru de vigilance des vendeurs et des professionnels de l’immobilier (diagnostiqueurs et notaires) quant à la fourniture d’une information exacte et à jour alors que celle-ci n’est pas nécessairement aisée à obtenir.