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Saisie-attribution pratiquée par le FGTI sur le compte nominatif d’un détenu

Le FGTI est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l’infraction le remboursement de l’indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite des réparations à la charge de ces personnes, et peut exercer ses droits par toutes voies utiles, dont la réalisation d’une saisie-attribution sur la part disponible du compte nominatif d’un détenu.

par Guillaume Payanle 21 mars 2018

La présente affaire retient l’attention en ce qu’elle conduit à s’interroger sur le régime juridique applicable à une procédure de saisie-attribution pratiquée, par le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI), sur le compte nominatif ouvert au nom d’un détenu et tenu par l’établissement pénitentiaire où ce dernier est écroué. Plus généralement, elle offre un exemple intéressant d’articulation entre le droit des procédures civiles d’exécution et les dispositions du code de procédure pénale.

En l’espèce, une cour d’assises, statuant sur intérêts civils, condamne une personne à payer aux parties civiles une importante somme d’argent à titre de dommages-intérêts. Par la suite, en réparation de leurs préjudices, les parties civiles obtiennent le versement de diverses indemnités par le FGTI. Treize ans plus tard, ce Fonds fait pratiquer une saisie-attribution sur la part disponible du compte nominatif ouvert, en application de l’article D. 319 du code de procédure pénale, au nom du détenu débiteur (saisie pratiquée entre les mains du régisseur chargé de la gestion des comptes nominatifs : C. pr. pén., art. D. 333, al. 1er). Celui-ci réfute la validité de cette mesure d’exécution forcée et en demande la mainlevée. Débouté par les juges du fond, ce débiteur se pourvoit alors en cassation en contestant non seulement l’exercice du recours subrogatoire du FGTI – et, par extension, l’utilisation de l’arrêt de cour d’assises comme titre exécutoire servant de fondement à la saisie – mais également l’étendue des sommes objet de cette saisie-attribution.

Fondement de la saisie

Conformément à l’article L. 111-2 du code des procédures civiles d’exécution, le « créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution ». À cet égard, la question se posait de savoir si le FGTI disposait d’un tel titre exécutoire, en fondant la saisie-attribution sur l’arrêt de la cour d’assises rendu contradictoirement sur intérêts civils. Les hauts magistrats répondent par l’affirmative à cette première interrogation en prenant appui sur la portée de la subrogation dans les droits des victimes dont bénéficie le FGTI, en application des dispositions de l’article 706-11 du code de procédure pénale. En ce sens, ils rappellent tout d’abord le contenu de cet article, en indiquant que « le FGTI est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l’infraction ou tenues à un titre quelconque d’en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l’indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite des réparations à la charge desdites personnes et qu’il peut exercer ses droits par toutes voies utiles ». Ensuite, ils en déduisent que la saisie-attribution pratiquée par le FGTI était effectivement fondée sur un titre exécutoire, en l’occurrence l’arrêt sur intérêts civils prononcé par la cour d’assises.

Cette solution emporte l’approbation en ce qu’elle permet d’éviter au FGTI, subrogé dans les droits des victimes, d’intenter une nouvelle action afin d’obtenir un titre exécutoire contre le débiteur détenu. Elle s’inscrit dans le prolongement d’arrêts antérieurs (v. réc. Civ. 2e, 8 sept. 2016, n° 14-24.392, D. 2016. 1817 ; RCA 2016. Comm. 302, obs. H. Groutel : à propos de saisies-attributions) et notamment d’un arrêt du 6 février 2014, à l’occasion duquel la deuxième chambre civile a opéré un revirement de jurisprudence (Civ. 2e, 6 févr. 2014, n° 13-10.298, Bull. civ. II, n° 37 ; Dalloz actualité, 3 mars 2014, obs. de Ravel d’Esclapon ; RCA 2014. Comm. 156, obs. H. Groutel : à propos d’une saisie des rémunérations). Dans la présente affaire, le débiteur invoquait – en substance – cette ancienne jurisprudence au soutien de son pourvoi, en vain.

Objet de la saisie

Les deuxième et troisième branches du moyen se rejoignent quant à elles autour de la détermination des sommes, figurant sur le compte nominatif d’une personne détenue, susceptibles de faire l’objet d’une saisie-attribution. À ce sujet, il apparaît utile de rappeler que les valeurs pécuniaires des détenus, inscrites à un compte nominatif ouvert à leur nom à l’établissement pénitentiaire, sont réparties « en trois parts : la première sur laquelle seules les parties civiles et les créanciers d’aliments peuvent faire valoir leurs droits ; la deuxième, affectée au pécule de libération, qui ne peut faire l’objet d’aucune voie d’exécution ; la troisième, laissée à la libre disposition des détenus » (C. pr. pén., art. 728-1, I, al. 1er). En l’espèce, le débiteur fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé la validité de la saisie-attribution litigieuse, alors qu’elle portait sur la « part disponible » de son compte nominatif et non, uniquement, sur la « première part » réservée à l’indemnisation des parties civiles. Là encore, l’argumentation du détenu débiteur n’est pas couronnée de succès. Très logiquement, la Cour de cassation juge que « les dispositions de l’article D. 325 du code de procédure pénale selon lesquelles l’indemnisation des parties civiles concernées par les condamnations inscrites à l’écrou est assurée sur la première part du compte nominatif institué par l’article D. 320-1 du code de procédure pénale ne font pas obstacle à ce que ces parties civiles, de même que le FGTI, subrogé dans leurs droits, exercent, à l’instar des autres créanciers, une saisie-attribution, dans les conditions du droit commun, sur la part disponible du compte nominatif de l’auteur de l’infraction, conformément aux dispositions de l’article D. 333 du même code ».

Cette solution est particulièrement bienvenue pour les victimes. Réserver à des créanciers privilégiés la saisissabilité d’une partie des sommes figurant sur un compte ne signifie assurément pas qu’ils ne puissent réaliser leurs droits que sur cette partie. Les droits de la personne détenue ne sont pas ignorés pour autant. En effet, en premier lieu, une partie de ces sommes – correspondant à la « deuxième part » affectée au pécule de libération – est totalement insaisissable. En second lieu, les sommes qui échoient aux détenus sont considérées comme ayant un caractère alimentaire, dès lors qu’elles n’excèdent pas un certain plafond chaque mois (le plafond est fixé à 200 € et est doublé à l’occasion des fêtes de fin d’année, C. pr. pén., art. D. 320, al. 1er). Sur ce dernier point, le débiteur faisait également grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir tenu compte du caractère alimentaire de certaines sommes présentes sur le compte. Le moyen est toutefois jugé irrecevable car nouveau et mélangé de fait et de droit. Pour les hauts magistrats, il ne ressort nullement ni des énonciations des juges du fond ni des productions que le débiteur ait soutenu que certaines sommes se trouvant sur la part disponible de son compte nominatif étaient insaisissables en raison de leur caractère alimentaire et que, par voie de conséquence, la saisie-attribution ne pouvait être validée pour l’intégralité de la part disponible de ce compte. On constate ici qu’il n’existe pas de solution semblable à celle définie – en droit commun – dans l’article L. 162-2 du code des procédures civiles d’exécution, suivant laquelle le tiers saisi laisse automatiquement à la disposition du débiteur personne physique, dans la limite du solde créditeur du ou des compte(s) au jour de la saisie, une somme à caractère alimentaire.