Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Salarié protégé et travail temporaire : l’étendue de la protection précisée

Le travailleur temporaire, conseiller du salarié, est protégé en cas d’interruption ou de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu’un tel renouvellement est prévu au contrat de mission, ainsi que dans le cas où l’entreprise de travail temporaire lui a notifié sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission.

par Loïc Malfettesle 23 septembre 2019

L’existence d’une fonction extérieure à l’entreprise octroyant un statut protecteur à son bénéficiaire, telle que celle de conseiller du salarié, est parfois délicate à gérer pour l’employeur qui entend se séparer de son collaborateur. Une telle éviction doit en effet être précédée d’une autorisation de l’inspecteur du travail, à peine de nullité. Cette solution vaut aussi bien pour un licenciement, un transfert ou une mise à la retraite (Soc. 17 mars 1993, n° 90-43.819, inédit).

Quelle procédure appliquer lorsqu’un salarié embauché en contrat de mission est par ailleurs conseiller du salarié ? La question relève de l’article L. 2413-1 du code du travail, duquel il résulte que l’autorisation administrative s’impose aussi bien en cas d’interruption ou de non-renouvellement de mission. La jurisprudence a eu l’occasion de préciser que cette exigence existait aussi en cas de décision de ne plus confier de mission à l’intérimaire (Soc. 13 févr. 2012, n° 11-21.946, D. 2012. 616 ).

Mais peut-on déduire de la simple absence de proposition au salarié de continuer à effectuer des missions une « décision » de ne plus lui confier de mission nécessitant l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail ? Telle était la question pendante dans l’arrêt présentement commenté.

Un salarié avait été embauché par une entreprise de travail temporaire et mis à disposition d’une société par contrat de mission pour une période de quatre jours. La société de travail temporaire a reçu dans cet intervalle, du salarié, un courrier l’informant de sa qualité de conseiller du salarié. À la suite de quoi ladite société a sollicité de l’inspecteur du travail la validation de la fin de mission de l’intéressé. Et ce dernier s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d’autorisation.

Au soutien de cette décision, était avancé d’une part que le conseiller du salarié ne bénéficie pas du statut protecteur dans le cadre de missions de travail temporaire, et d’autre part qu’il n’y aurait en toute hypothèse pas lieu à intervention de l’inspecteur du travail pour une fin de mission de travail temporaire. La décision a été annulée sur recours hiérarchique, mais le ministre du travail s’est à son tour déclaré incompétent en raison de la rupture qui était déjà intervenue avant sa décision.

Le salarié a alors saisi les juridictions pour rupture de son contrat de mission en violation du statut protecteur, lesquelles vont faire droit à cette demande. Les juges du fond vont en effet estimer que le conseiller du salarié travailleur temporaire est protégé non seulement en cas d’interruption ou de notification de non-renouvellement de mission mais également dans le cas où l’entreprise de travail temporaire décide de ne plus lui confier de mission.

L’absence de proposition de continuer à effectuer des missions devait dès lors, à ses yeux, s’analyser en une cessation du contrat de travail entachée de nullité.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation va toutefois contredire cette dernière assertion, en censurant la décision. Pour la chambre sociale, il appartenait aux juges du fond de caractériser l’existence soit d’une interruption du contrat de mission en cours, soit d’un refus de renouvellement de cette mission lorsqu’il a été prévu au contrat, soit de la notification au salarié par l’entreprise de travail temporaire de sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission.

Se faisant, la Haute juridiction vient réduire l’insécurité de la situation des entreprises de travail temporaires. En effet, retenir la solution de la Cour d’appel aurait conduit à engendrer des situations de violations automatiques du statut protecteur des salariés disposant d’un mandat et recrutés en contrat de mission, dès lors qu’ils ne se verraient pas spontanément proposer de continuer à effectuer des missions.

Désormais le cadre de la protection est clairement rappelé et précisé, de sorte que la procédure d’autorisation par l’inspecteur du travail ne s’impose, pour le salarié intérimaire protégé, que dans trois hypothèses : lorsque son contrat subit une interruption, en cas de notification du non-renouvellement de sa mission lorsqu’un tel renouvellement est prévu au contrat de mission, ou encore en cas de notification par l’entreprise de travail temporaire de sa décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats de mission.

A contrario, l’intérimaire protégé dont le contrat de mission arrive à échéance sans qu’un renouvellement de celui-ci ait été prévu et sans que l’entreprise ne lui ai expressément notifié une décision de ne plus faire appel à lui par de nouveaux contrats, ne serait pas fondé à invoquer la violation dudit statut si l’inspecteur du travail n’est pas saisi d’une demande d’autorisation.