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Salariés dénonciateurs : de bonne foi ne veut pas dire de manière désintéressée

Le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d’un crime ou d’un délit dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, sur le fondement de l’alinéa 1er de l’article L. 1132-3-3 dans sa rédaction issue de la loi Sapin II, n’est pas soumis à l’exigence d’agir de manière désintéressée, mais seulement à celle d’agir de bonne foi.

Certes caché dans la salve de revirements de jurisprudence en matière de droit aux congés payés des salariés français, le Bulletin de la Cour de cassation du 13 septembre recelait malgré tout un nouvel arrêt sur le statut protecteur des lanceurs d’alerte et autres salariés dénonciateurs dans l’entreprise.

À l’origine, il y a des faits somme toute classiques. Engagé en 2017 en qualité de directeur des opérations par une entreprise de sécurité, un salarié a, quelques mois plus tard, signalé par deux lettres adressées au président de la société des irrégularités relatives au non-respect de la réglementation des sociétés de sécurité. Moins d’un mois après l’envoi desdits courriers, le directeur fut licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement, le directeur saisit le conseil des prud’hommes. Par suite, la Cour d’appel de Paris fit droit à ses demandes et prononça la nullité du licenciement. Elle ordonna, en conséquence, le versement des indemnités pour licenciement nul, les rappels de salaires relatifs aux périodes de mise à pied et de préavis ainsi qu’aux congés payés, mais aussi le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié.

L’entreprise de sécurité forma un pourvoi en cassation, contestant au titre des sept branches de son moyen destiné à asseoir la licéité du licenciement pour faute grave, la bonne foi et le caractère désintéressé du directeur. Elle arguait qu’il s’agissait là de conditions sine qua non de la protection du lanceur d’alerte contre le licenciement, conditions qui n’avaient pas été suffisamment caractérisées par la cour d’appel. In fine, elle se défendait d’avoir fondé le licenciement sur les signalements du directeur, la faute grave résidant seulement, selon elle, dans le comportement irrespectueux voire raciste du salarié.

Dans une motivation à l’apparence désormais bien connue, reprenant les dispositions légales relatives à la protection des salariés dénonçant des faits illicites dans l’entreprise, la chambre sociale de la Cour de cassation nous offre une nouvelle précision quant au caractère désintéressé du signalement.

Du (ou des) statut(s) protecteur(s) des salariés dénonciateurs

Une fois n’est pas coutume, la Cour de cassation rappelle le caractère alternatif des deux qualifications prévues par l’article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi Sapin II.

La première qualification résulte du premier alinéa dudit texte. Selon ce dernier, « aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, […] pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ».

La seconde est inscrite au deuxième alinéa et renvoie à la qualification de lanceur d’alerte au sens des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Aussi, si la seconde relève du régime général de protection des lanceurs d’alerte, la première est propre au code du travail. Autrement dit, le salarié relevant de la seconde peut être qualifié stricto sensu de « lanceur d’alerte », tandis que le salarié se prévalant de la première n’est qu’un « simple...

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