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Sanction de l’utilisation sans autorisation de photographies pourtant banales : une jurisprudence en construction

La voie de l’action en contrefaçon de droit d’auteur pour des photographies est largement fermée, mais le Tribunal de Paris est désormais tenté d’avoir recours à la notion de faute civile pour sanctionner l’utilisation sans autorisation de photographies pourtant banales.

Le droit de la photographie est une matière intéressante, car très mouvante. La technique en elle-même a beaucoup évolué depuis ces dernières décennies, grâce au développement du numérique. N’importe qui peut aujourd’hui prendre des clichés de manière illimitée grâce à un simple téléphone. Le droit s’est donc adapté et est devenu de plus en plus pointilleux et exigeant vis-à-vis de la notion d’originalité en matière photographique. Mais s’il est désormais difficile de faire reconnaître le caractère protégeable d’un cliché devant les tribunaux, ceux-ci ont dernièrement imaginé un palliatif visant à sanctionner les utilisations de clichés sans autorisation, en ayant recours au droit commun de la responsabilité civile. Une jurisprudence surprenante.

L’introuvable originalité dans le domaine photographique

L’étude de la jurisprudence rendue en matière de droit d’auteur appliqué aux photographies se révèle intrigante, tant les juges admettent de moins en moins fréquemment le caractère protégeable de clichés, très souvent considérés comme banals en raison de la seule mise en œuvre d’une technique, d’un savoir-faire, à rebours de l’exigence classique tenant à l’empreinte de la personnalité de l’auteur.

Les exemples sont nombreux. Ainsi, la Cour d’appel de Paris a jugé le 5 novembre 2007 que des photographies de paparazzi représentant le Prince William et sa fiancée (à l’époque) Kate Middleton en vacances au ski n’étaient pas protégeables par le droit d’auteur, nonobstant la technique utilisée : « ces clichés représentent le prince William et Kate Middleton utilisant un téléski côte à côte une main posée sur la barre axiale de l’appareil et l’autre tenant leurs bâtons de ski, de sorte que les photographies en cause sont dépourvues d’originalité comme ne reproduisant qu’une scène d’une grande banalité sans que la sensibilité des photographes ou leur compétence professionnelle transparaissent » (Paris, 5 nov. 2007, n° 06/15937, D. 2008. 461 , note J.-M. Bruguière ; RTD com. 2008. 300, obs. F. Pollaud-Dulian ).

Plus récemment, la même Cour d’appel de Paris a jugé que des photographies aériennes ne pouvaient pas bénéficier de la protection par la propriété littéraire et artistique, les clichés étant banals, et ce, même alors qu’il avait fallu déployer certains efforts pour les réaliser : « si [la photographie] démontre un savoir-faire incontestable du photographe qui a réalisé son cliché d’un point de vue aérien, elle n’a d’autre finalité que de restituer le plus fidèlement possible la physionomie et la beauté du site photographié. Elle ne révèle pas de choix créatifs ou de parti pris esthétique particuliers témoignant de la personnalité de M. [N] [M], ce...

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