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SCCV en liquidation, redressement fiscal et préjudice personnel pour l’associé

Les conséquences d’un redressement fiscal imputable à l’incurie du gérant devenu liquidateur amiable constituent un préjudice personnel réparable pour l’associé. 

par Fabienne Labellele 27 mai 2021

Les sociétés civiles de construction-vente (SCCV) sont des sociétés civiles disposant d’un statut particulier établi aux articles L. 211-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation. Il est remarquable que le premier texte de droit spécial les concernant fut historiquement un texte fiscal : l’article 28 de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 les excluant du champ d’application de l’impôt sur les sociétés.

C’est justement une question fiscale qui est à l’origine de l’affaire présentée devant la troisième chambre de la Cour de cassation le 12 mai 2021 opposant des associés d’une SCCV sur la fréquente question de la responsabilité civile du dirigeant.

Faits et procédure

L’associé majoritaire avait été désigné gérant, puis liquidateur amiable de la société courant 2007. Lorsque l’administration fiscale a notifié une proposition de rectification portant sur les revenus imposables de 2007 et 2008, les deux associés en ont été destinataires. Considérant que le redressement était la conséquence des manquements du gérant, l’associé minoritaire l’a assigné en réparation de son préjudice personnel.

La cour d’appel a accueilli favorablement cette demande. Elle a en effet considéré que le préjudice allégué ne se confondait pas avec celui de la société, condamnant le dirigeant à payer, à titre de dommages et intérêts, 33 998 € en réparation d’un préjudice financier et 5 000 € en réparation d’un préjudice moral.

Le gérant a naturellement formé un pourvoi contre cette décision arguant que l’action individuelle en responsabilité dont disposent les associés à l’encontre des dirigeants ne peut concerner que la réparation d’un préjudice personnel distinct de celui subi par la société. Selon le moyen, le préjudice subi en l’espèce par l’associé et son épouse n’est que le corolaire de celui atteignant la société et ne s’en distingue donc pas. Dès lors, il estime qu’ont été violés l’ancien article 1382 et l’article 1843-5 du code civil.

Il était donc demandé à la Cour de cassation de statuer sur l’existence d’un préjudice personnel distinct de celui de la société au cas d’un redressement fiscal frappant l’associé d’une société causé par les manquements du gérant devenu liquidateur

La Cour de cassation rejette le pourvoi et considère que l’associé a bien subi un préjudice personnel, constitué par l’application de pénalités et intérêts de retard et la nécessité de trouver un financement pour faire face au redressement fiscal. Elle relève en outre que ce préjudice est en lien direct avec les fautes du gérant.

L’arrêt est l’occasion de revenir sur des marottes tant du droit fiscal que du droit des sociétés.

Sous l’angle du droit fiscal

Le régime fiscal de la SCCV est particulier. En dépit de son activité de construction d’immeubles en vue de leur revente qui s’apparente à une opération de type commerciale, elle échappe à l’article 206, 2°, du code général des impôts qui soumet à l’impôt sur les sociétés les sociétés civiles qui se livrent à une activité commerciale. La SCCV relève en effet de l’article 239 ter du code général des impôts. Ainsi, elle est soumise au même régime que la société en nom collectif. Elle n’a pas la qualité de...

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