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Le secret médical n’est pas de nature à faire obstacle en soi à la production d’une preuve

Dans le cadre d’un contentieux relatif à la prise en charge par l’assurance maladie des actes effectués par une infirmière libérale, la première chambre civile considère que le secret professionnel ne fait pas en soi obstacle à la production, à titre de preuve, de documents portant révélation du secret médical.

Le secret professionnel, et médical en particulier, est-il un obstacle à la production de preuves ? Cette question trouve une réponse renouvelée devant la Cour de cassation dans le cadre d’un déploiement des évolutions de sa jurisprudence relative aux exigences de licéité et de loyauté de la preuve dans le procès civil issue des arrêts d’assemblée plénière de 2023 (Cass., ass. plén., 22 déc. 2023, n° 20-20.648 et n° 21-11.330, Dalloz actualité, 9 janv. 2024, obs. N. Hoffschir ; D. 2024. 291 , note G. Lardeux ; ibid. 275, obs. R. Boffa et M. Mekki ; ibid. 296, note T. Pasquier ; ibid. 570, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; ibid. 613, obs. N. Fricero ; ibid. 1636, obs. S. Vernac et Y. Ferkane ; JA 2024, n° 697, p. 39, étude F. Mananga ; AJ fam. 2024. 8, obs. F. Eudier ; AJ pénal 2024. 40, chron. ; AJCT 2024. 315, obs. A. Balossi ; Dr. soc. 2024. 293, obs. C. Radé ; Légipresse 2024. 11 et les obs. ; ibid. 62, obs. G. Loiseau ; RCJPP 2024, n° 01, p. 20, obs. M.-P. Mourre-Schreiber ; ibid., n° 06, p. 36, chron. S. Pierre Maurice ; RTD civ. 2024. 186, obs. J. Klein ). On rappellera que, par ces arrêts, la Cour de cassation avait posé en principe que lorsque le droit à la preuve tel que garanti par l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme entre en conflit avec d’autres droits et libertés, il appartient au juge de mettre en balance les différents droits et intérêts en présence. Il en résulte, selon la Cour de cassation, que le juge doit apprécier si une preuve obtenue ou produite de manière illicite ou déloyale porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Dans ce contexte, c’est à la question de la valeur du secret professionnel face à ce droit à la preuve que la première chambre civile a récemment répondu. Le problème était parti d’un contentieux relatif à la prise en charge par l’assurance maladie de prestations de soins effectuées par une infirmière libérale. Une CPAM avait, en effet, notifié à cette infirmière un indu de prises en charge d’un certain montant correspondant à des anomalies supposées dans la facturation d’actes réalisés. L’infirmière ayant contesté cette décision devant la juridiction de sécurité sociale compétente, cette dernière rejetait ses demandes et la condamnait à rembourser les sommes litigieuses à la CPAM, en se fondant notamment sur des tableaux des prestations prises en charges. Ces documents, produits par la CPAM, comprenaient notamment le numéro de sécurité sociale de l’assuré-patient, son nom et son prénom et sa date de naissance et la nature de la prestation de soins fournie par l’infirmière. La professionnelle de santé formait alors un pourvoi en cassation en soutenant que ces documents auraient dû être exclus des débats pour illicéité de la preuve en tant qu’ils étaient produits à l’instance en violation du principe de protection du secret médical.

Telle n’est finalement pas l’opinion de la Cour de cassation. Celle-ci, dans une décision du 30 janvier 2025, reprend l’essence de la motivation des arrêts d’assemblée plénière de 2023 et considère, par suite, que la production en justice de documents couverts par le secret médical peut être justifiée lorsqu’elle est indispensable à l’exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi. Elle estime que tel était bien le cas en l’espèce et que les éléments précis du débat justifiaient la possibilité pour la CPAM de produire les pièces litigieuses afin de pouvoir discuter des prestations prises en charge de manière précise, ce qui impliquait une analyse nominative des dossiers contrôlés et donc le dévoilement de l’identité du bénéficiaire des soins. Selon la Cour de cassation, ceci était d’ailleurs de nature à permettre à l’infirmière, que ce soit dans le cadre des débats devant la commission de recours amiable de la sécurité sociale puis devant le juge, « de prendre utilement connaissance des griefs qui lui sont reprochés, en reliant la nature de la prestation de soins fournie avec le patient concerné, de comprendre les éléments de l’indu et de pouvoir, en toute connaissance de cause, formuler ses observations. »

Un problème ancien

Le problème posé par cet arrêt n’est guère nouveau. En effet, depuis longtemps se pose, dans le procès civil, la question de la recevabilité de pièces portant révélation du secret médical. La réponse a toujours été très casuistique, dépendant des circonstances précises du litige, de...

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