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Sécurité globale : l’Intérieur impose ses fonds de tiroirs

En janvier, les députés Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue avaient déposé une proposition de loi sur les policiers municipaux et la sécurité privée. Une nouvelle version du texte, nettement plus musclée, a été déposée la semaine dernière. Un moyen d’intégrer les demandes du ministère de l’Intérieur sur les drones, le floutage des policiers, la police municipale parisienne ou les feux d’artifice.

par Pierre Januelle 22 octobre 2020

La première proposition de loi de janvier ne reprenait que les dispositions les plus consensuelles du rapport Thourot-Fauvergue (Dalloz actualité, 27 janv. 2020, art. P. Januel). Cette nouvelle version a dorénavant Jean-Michel Fauvergue, l’ancien patron du RAID, comme premier signataire.

La première partie vise à revoir le statut des policiers municipaux, dont les limites ont été mises en lumière par un rapport de la Cour des comptes publié hier. Mais deux articles ont été rajoutés : l’article premier lance une expérimentation dans certaines grandes villes, pour que les policiers municipaux aient des pouvoirs étendus (immobilisation de véhicule, saisie d’objet) et puissent faire des constats, avec relevé d’identité, de plusieurs délits (usage de stupéfiants, conduite sans permis, tag, introduction dans un bâtiment communal…). Autre rajout : l’article 4 qui crée un statut particulier d’une police municipale à Paris.

Les ajouts de la Place Beauveau

L’encadrement légal des drones, rendu nécessaire par une ordonnance du Conseil d’État (Dalloz actualité, 22 mai 2020, obs. C. Crichton) est prévu par l’article 22. Les drones pourront être utilisés pour notamment constater des infractions, surveiller les littoraux et les frontières ou réguler des flux de transport.

L’article 24 crée un nouveau délit de presse pour punir d’un an de prison, la diffusion « dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, [de] l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme « lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ». L’objectif est le floutage intégral des vidéos d’interventions policières, la simple diffusion du matricule d’un policier devenant un délit.

L’article 21 modifie le statut des caméras-piétons : les images pourront être transmises en direct au poste de commandement, les personnels accéder directement à leurs enregistrements et les images utilisées pour « l’information du public sur les circonstances de l’intervention ». Un moyen de s’imposer dans la guerre des images, sans même avoir à flouter les identités des contrevenants ou des manifestants.

L’article 23 vise à interdire les crédits de réduction de peine pour les personnes condamnées à de la prison pour des crimes, agressions (même sans ITT) ou menace à l’encontre d’un élu, policier, gendarme ou pompier. Une telle disposition n’existait jusqu’ici qu’en matière de terrorisme et a eu comme effet de limiter le suivi post-incarcération.

L’article 20 permet aux agents des CSU d’exploiter les images de vidéosurveillance. L’article 26 clarifie l’usage des armes par les militaires de l’opération Sentinelle. L’article 29 assouplie les contrôles d’alcoolémie routière par des agents adjoints. L’article 30 pénalisera la vente ou la possession des feux d’artifice dans des conditions non réglementaires.

Le texte, déposé avant l’attentat de Conflans, sera discuté mi-novembre et devrait accueillir des amendements gouvernementaux. Le site NextInpact évoque une expérimentation de la reconnaissance faciale. Hier, Jean Castex a évoqué un « délit de mise en danger par la publication de données personnelles » adapté aux réseaux sociaux, qui pourrait aussi intégrer le futur projet de loi séparatisme. Le concours Lépine sécuritaire est ouvert.