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Signalements et certificats médicaux : l’étendue de l’immunité accordée aux médecins par l’article 226-14 du code pénal

Le Conseil d’État rappelle et précise sa jurisprudence récente relative aux signalements et aux certificats médicaux concernant les mineurs en danger ou en risque de l’être.

En l’espèce, un médecin pédopsychiatre rédige un certificat médical dans lequel il indique, d’abord, les conditions dans lesquelles, alors qu’un enfant était en liste d’attente pour être pris en charge à son cabinet, il a été amené à orienter en urgence la mère de ce dernier qui lui décrivait « une situation d’urgence pour ses trois enfants qui ont assisté à une scène d’une extrême violence de la part de leur père sur leur mère » vers une psychologue pour qu’elle prenne en charge l’un d’entre eux. Il y est ensuite indiqué qu’il est intervenu à la demande de cette psychologue, celle-ci estimant « que la situation familiale dans son ensemble et celle des enfants en particulier dépasse les possibilités d’intervention d’une psychologue » et qu’il a conseillé à la mère de saisir le juge des enfants « dans une visée de protection de chacun des enfants », en raison de « la nature et l’intensité des troubles (…) observés en consultation chez [l’un des enfants] », mais aussi de « la violence intrafamiliale extrême » qui lui était « décrite » et que le médecin indique avoir « pu en partie observer ». Enfin, l’auteur du certificat y déconseille, « dans l’intérêt des enfants », une garde alternée « du fait de l’intensité de la violence morale et physique du couple parental », tout en préconisant des expertises psychiatriques de chaque parent et pédopsychiatriques des enfants et des interactions parent-enfant « afin que la justice puisse être au mieux éclairée pour les mesures à prendre dans l’intérêt des enfants ».

Le même médecin adresse, deux semaines plus tard, un courrier au procureur de la République puis, deux ans et demi après, un courrier au juge des enfants déjà saisi de la situation en application de l’article 375 du code civil. Dans le courrier au juge des enfants, il fait part « de la situation actuelle [de l’enfant] vis-à-vis de sa santé et de ses soins » en raison de la privation potentielle de soins pédopsychiatriques nécessaires, présentée comme née non seulement d’un conflit aigu avec le père, qu’il relate et ayant conduit ce dernier à lui signifier son refus qu’il poursuive le suivi de son fils, mais aussi de l’absence de relais immédiat adéquat permettant ce suivi dans un contexte de pénurie régionale de médecins qualifiés en pédopsychiatrie.

Le père de l’enfant porte plainte auprès du conseil départemental de l’Ordre des médecins. La chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins inflige au pédopsychiatre la sanction de l’avertissement. Le président de la chambre disciplinaire nationale rejette, par ordonnance, l’appel interjeté par le médecin contre cette décision. Par une ordonnance du 31 décembre 2021, la présidente de la 4e chambre de la section du contentieux du Conseil d’État annule cette ordonnance et renvoie l’affaire devant la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins. Par une décision du 18 janvier 2023, celle-ci rejette l’appel ainsi que l’appel incident formé par le plaignant. Le médecin se pourvoit en cassation.

Obligation de signalement

Dans l’arrêt du 15 octobre 2024, le Conseil d’État commence par rappeler l’obligation faite à tout médecin, par l’article R. 4127-44 du code de la santé publique (C. déont. méd., art. 44), lorsqu’il discerne qu’un mineur auprès duquel il est appelé est victime de sévices ou de privations, d’alerter « les autorités judiciaires ou administratives, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience ». Il rappelle ensuite les termes du premier alinéa de l’article R. 4127-76 du même code : « L’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires ».

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