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« Simplification » de la procédure d’appel en matière civile - Épisode 4 : le formalisme des conclusions et l’effet dévolutif

Un décret du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d’appel en matière civile a été publié au Journal officiel du 31 décembre 2023. Il entend simplifier et clarifier les dispositions relatives à l’appel et à la procédure d’appel et notamment, celles relatives à la procédure d’appel ordinaire avec représentation obligatoire. Focus sur les modifications relatives au formalisme des conclusions et à l’effet dévolutif.

Il faut toujours se méfier d’un texte dit de simplification. Le titre cache souvent la forêt. Ce décret n’échappe pas à la règle et si le procédé n’était pas paru ironique, le terme de simplification eut mérité a minima de figurer entre guillemets. C’est un décret mieux rédigé que les précédents, mais toutes les sanctions demeurent en dépit des effets d’annonces. De nouvelles charges pèsent sur les avocats et des sanctions inédites pourraient d’ailleurs bien surgir à leur tour. On le sait, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

Points clés :

  • Le décret est applicable aux instances d’appel et aux instances consécutives à un renvoi après cassation introduites à compter du 1er septembre 2024.
  • Il opère un partage entre procédure à bref délai et procédure avec mise en état.
  • Il détache les compétences du juge de la mise en état et du conseiller de la mise en état en supprimant les renvois aux dispositions applicables devant le tribunal judiciaire pour consacrer les pouvoirs du conseiller de la mise en état et opère diverses coordinations dans le code des procédures civiles d’exécution, dans le code de commerce et dans de le code de la consommation.
  • Il augmente à deux mois les délais pour conclure dans la procédure à bref délai et permet l’augmentation par le magistrat compétent de l’ensemble des délais pour conclure dans les procédures avec mise en état et à bref délai.
  • Il définit les pouvoirs du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président dans la procédure à bref délai et clarifie ceux du conseiller de la mise en état, qui ne connaîtra plus généralement des fins de non-recevoir.
  • Il crée une invitation systématique des parties à conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état en appel et aménage l’interruption des délais Magendie en cas d’injonction de rencontrer un médiateur.
  • Il redéfinit le périmètre de l’effet dévolutif de l’appel en permettant sa modulation au moyen des premières conclusions déposées dans les délais Magendie.
  • Il supprime l’exception liée à l’indivisibilité du litige s’agissant de l’indication des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d’appel.
  • Il impose le visa de l’objet de l’appel dans la déclaration d’appel.
  • Il impose de formuler une prétention à la réformation ou à l’annulation au dispositif des conclusions d’appel et de préciser, lorsque la réformation est requise, les chefs de jugement critiqués dans ce même dispositif.
  • Il maintient les sanctions procédurales et impose de nouvelles charges aux avocats.
  • Il modifie la numérotation d’une partie importante des articles propres à la procédure d’appel (v. la table de correspondances jointe).

Le formalisme des conclusions et l’effet dévolutif

Le décret prévoit sur ce point des dispositions communes à la procédure à bref délai et à la procédure avec mise en état.

L’article 910-1 devient l’article 915 :

« Les conclusions exigées par les articles 906-2 et 908 à 910 sont celles, adressées à la cour, qui sont remises au greffe et notifiées dans les délais prévus par ces textes et qui déterminent l’objet du litige »

Depuis le décret du 6 mai 2017, on sait effectivement que la notification de conclusions d’incident n’est plus interruptive des délais pour conclure, à l’exception des conclusions d’incident aux fins de radiation de l’intimé, l’article 524 du code de procédure civile restant inchangé au fond.

L’article 906 devient l’article 915-1 :

« Les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l’avocat de chacune des parties à celui de l’autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l’être à tous les avocats constitués. Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification. Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables ».

Strictement aucun changement donc, ce que l’on s’empressera de regretter, l’erreur de référence aux « demandeurs » et « défendeurs » plutôt qu’à l’appelant et à l’intimé perdurant depuis l’entrée en vigueur du décret Magendie…

Mais l’article 915-2 innove :

« L’appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans les délais prévus au premier alinéa de l’article 906-2 et à l’article 908, les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d’appel. La cour est saisie des chefs du dispositif du jugement ainsi déterminés et de ceux qui en dépendent.
À peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 906-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’article 914-3, demeurent recevables, dans les limites des chefs du dispositif du jugement critiqués et de ceux qui en dépendent, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait ».

Voilà sans doute l’article majeur de la réforme, plus précisément l’alinéa 1er, les alinéas 2 et 3 étant déjà bien connus comme la reprise de l’article 910-4 qui avait consacré, depuis...

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