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La société absorbante a qualité pour agir contre un débiteur de l’absorbée dès la réalisation définitive de l’opération

La transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société bénéficiaire confère de plein droit à cette dernière, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l’opération, qualité pour agir contre les débiteurs de la société absorbée.

par Arnaud Reygrobelletle 9 janvier 2023

La question de la date d’opposabilité aux tiers d’une fusion-absorption est plus délicate qu’il pourrait y paraître en première analyse. La Cour de cassation elle-même a un peu tâtonné pour forger sa religion. L’arrêt rendu le 30 novembre 2022 est donc particulièrement utile non qu’il innove radicalement, mais parce qu’il vient conforter et clarifier une précédente solution.

Il s’agissait en l’occurrence de la question de savoir si la société absorbante avait pu valablement agir contre un débiteur de la société absorbée, avant qu’aient été effectuées les formalités de publicité de l’opération au RCS. Était plus précisément en cause l’obligation d’une caution, dont l’engagement n’était pas contesté (elle était bien tenue au titre de son obligation de règlement), à l’égard d’un établissement de crédit, ce dernier ayant été absorbé. Va être débattue devant la Cour de cassation la qualité pour agir de la société absorbante pour mettre en jeu l’obligation de la caution.

La cour d’appel avait jugé que l’opération était opposable à la caution, en conséquence de quoi, la société absorbante avait bien qualité pour agir à son encontre. En substance, elle avait estimé qu’il importait peu que les formalités de publicité devant précéder (publicité du projet de fusion ; C. com. art. L. 236-6 et R. 236-2) et suivre (inscription modificative au RCS ; C. com. art. R. 123-66 et R. 123-69) une fusion-a0bsorption aient été imparfaitement réalisées, dès lors que l’opération avait, par la suite, fait l’objet d’une publicité régulière au RCS.

Le pourvoi cherchait à obtenir la cassation en se prévalant de l’incomplétude des formalités de publicité et même des erreurs qu’elles contenaient ; d’où il serait résulté l’inopposabilité à la caution de l’opération.

Le raisonnement était fondé, à titre principal, sur la règle bien connue de l’article L. 123-9 du Code de commerce selon lequel la personne assujettie à immatriculation au RCS ne peut, dans l’exercice de son activité, opposer aux tiers les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés audit RCS. À titre complémentaire, était aussi invoqué l’article L. 237-2, alinéa 3, du même code, disposant que la dissolution d’une société ne produit ses effets à l’égard des tiers qu’à compter de la date à laquelle elle est publiée au RCS. Faute de publicité au RCS, la société absorbante n’aurait donc pas eu qualité pour agir contre la caution.

La Cour de cassation rejette le pourvoi, mais par un « motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués ».

Pour la haute juridiction, « la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société bénéficiaire confère de plein droit à cette dernière, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l’opération, qualité pour agir contre les débiteurs de la société absorbée ». Cette solution résulte de l’application combinée de deux dispositions du code de commerce : l’article L. 236-3, I, qui fixe l’effet de dévolution universelle des patrimoines « à la date de réalisation définitive de l’opération » ; l’article L. 236-4, 2°, qui prévoit que, en cas de fusion sans création d’une société nouvelle, la fusion prend effet « à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l’opération ».

Dès lors que, selon l’arrêt d’appel, la « réalité de la fusion-absorption » était établie (avant que la société absorbante agisse en justice), la société absorbante, parce qu’elle avait recueilli l’intégralité du patrimoine de la société absorbée, avait qualité pour agir en exécution forcée contre la caution ; et ce,...

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