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Solliciter des pièces justificatives n’équivaut pas à contester une créance !

Pour la Cour de cassation, la lettre d’un mandataire judiciaire à un créancier lui demandant des pièces justificatives de sa créance, sous peine de proposer au juge-commissaire le rejet de celle-ci, n’est pas une lettre de contestation de l’existence, de la nature ou du montant de la créance. Par conséquent, le défaut de réponse du créancier, dans le délai de trente jours de la lettre, ne le prive pas du droit de faire appel de l’ordonnance du juge-commissaire rejetant la créance.

En matière de procédures collectives, la déclaration de créance requise de la part de certains créanciers est essentielle : seule cette dernière leur permet de participer à la procédure et maintient leur espoir d’être désintéressés. Hélas, une fois la déclaration effectuée, le créancier n’est pas au bout de ses peines, car la créance déclarée peut encore être contestée : là est tout l’intérêt de la procédure de vérification des créances. Par exemple, le mandataire judiciaire pourra éventuellement revoir à la baisse le montant de la créance déclarée et formuler, en conséquence, une proposition d’admission de la créance différente, voire son rejet.

Sur le plan formel, la « contestation de créance » s’effectue par le biais d’un courrier RAR envoyé par le mandataire judiciaire au créancier l’invitant à faire connaître ses explications dans les trente jours de la contestation (C. com., art. R. 624-1 et L. 622-27). Du reste, la réponse du créancier à ce courrier dans le délai indiqué revêt une importance cruciale, puisqu’à défaut, il est privé du débat sur la créance devant le juge-commissaire. Pire encore, si le juge-commissaire fait exactement droit à la demande du mandataire contestant la créance, le créancier perd le droit d’exercer un recours sur la décision du juge (C. com., art. L. 624-3, al. 2).

Toujours est-il que cette règle souffre, de longue date, de quelques tempéraments.

D’une part, même si le propos peut paraître simpliste, il faut que la lettre du mandataire judiciaire puisse s’analyser en une véritable contestation de créance. À défaut, il est hors de question de sanctionner le défaut de réponse du créancier.

D’autre part, lorsque la discussion porte sur la régularité de la déclaration de créance, la sanction attachée au défaut de réponse ne joue pas. Cette solution avait notamment été posée dans les cas où la discussion portait sur le défaut de pouvoir de la personne procédant à la déclaration de créance (Com. 7 juill. 1998, n° 95-18.984 P, D. 1998. 209 ). D’origine jurisprudentielle, ce tempérament a, par la suite, été repris à son compte par le législateur. Ainsi l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 a-t-elle ajouté une phrase à l’article L. 622-27 du code de commerce indiquant que « le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances ».

De cette brève présentation des règles applicables en la matière surgit une interrogation : comment est-il possible de distinguer les « véritables » contestations de créance et celles qui n’en sont pas ou encore qui relèvent de « simples » discussions portant sur la régularité de la déclaration ? Cette question est au cœur de l’arrêt ici rapporté.

L’affaire

En l’espèce, une société a été placée en redressement judiciaire et a obtenu l’arrêté d’un plan. Or, dans le cadre de cette procédure, la société débitrice a porté à la connaissance du mandataire une créance chirographaire détenue par l’un de ses créanciers.

Le mandataire judiciaire va contester cette créance au moyen d’un courrier mentionnant en objet « contestation de créance » et au sein duquel il informait le créancier que la créance déclarée était injustifiée dans la mesure où il n’avait remis aucun justificatif et qu’il convenait de lui transmettre un relevé de compte récapitulatif et une copie des factures déclarées, et qu’à défaut, il envisageait de proposer au juge-commissaire un rejet de la créance.

Le créancier n’a pas répondu à ce courrier dans le délai de trente jours et le juge-commissaire a rejeté la créance. Le créancier interjette appel de cette décision, mais est déclaré irrecevable par les juges du second degré.

Plus précisément, les juges du fond ont constaté qu’il résultait de la lettre du mandataire judiciaire et des termes employés de « contestation de créance », de « créance déclarée injustifiée » et de « rejet de votre créance », que celui-ci ne contestait pas seulement la régularité formelle de la créance, mais, faute de justificatif,...

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