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Souplesse dans l’admission du recours de l’ONIAM contre l’assureur d’un centre de transfusion sanguine

En présence d’un dommage résultant d’une contamination d’origine transfusionnelle au virus de l’hépatite C, l’impératif d’indemnisation commande une certaine souplesse probatoire, par faveur pour la victime. Une souplesse analogue se retrouve dans les conditions de l’admission du recours exercé par l’ONIAM contre l’assureur du centre de transfusion, comme le montre l’arrêt rendu par la première chambre civile le 26 juin 2024. 

En matière médicale, la réparation du dommage n’échappe pas à une exigence classique de la responsabilité civile : il faut rapporter la preuve d’un lien de causalité entre le dommage et l’acte médical. Cette preuve peut toutefois être difficile à rapporter, soit parce que l’acte de soins fait intervenir plusieurs personnes et/ou établissements, soit parce qu’il existe une incertitude scientifique (sur la distinction entre la causalité juridique et la causalité scientifique, notamment en cas d’incertitude scientifique, C. Radé, Causalité juridique et causalité scientifique : de la distinction à la dialectique, D. 2012. 112 ). Afin de ne pas mettre à mal l’indemnisation des victimes, la jurisprudence a allégé le fardeau probatoire, en admettant, par exemple, la preuve par un faisceau d’indices (v. par ex., CE 27 juin 2016, Mme A… c/ ONIAM, n° 387590). Cette faveur est notamment accordée afin de permettre la réparation des dommages résultant de contaminations sanguines. Dans cette hypothèse, la réparation est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Plus spécialement, l’Office est dorénavant chargé de l’indemnisation des dommages résultant d’une contamination transfusionnelle au virus de l’hépatite C. Initialement, c’étaient les centres de transfusion sanguine qui pouvaient être mis en cause par les victimes ou leurs ayants droit. Mais avec la loi du 1er juillet 1998 (Loi n° 98-535 du 1er juill. 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme) et l’ordonnance du 1er septembre 2005 (Ord. n° 2005-1087 du 1er sept. 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine), la responsabilité fut déplacée vers l’établissement français du sang (EFS). Après les lois du 17 décembre 2008 (Loi n° 2008-1330 du 17 déc. 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009) et du 20 décembre 2010 (Loi n° 2010-1594 du 20 déc. 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011), l’ONIAM s’est, finalement, substitué à l’EFS. C’est donc vers l’Office que les victimes, contaminées par le virus de l’hépatite C à la suite d’une transfusion sanguine, doivent se tourner. Mais il n’empêche que l’ONIAM, après avoir indemnisé les victimes, peut exercer un recours contre l’assureur du centre de transfusion sanguine en cause. Ce recours est alors admis avec une certaine souplesse, comme le montre l’arrêt rendu le 26 juin dernier par la première chambre civile.

À partir de 1978, un patient hémophile a subi de nombreuses transfusions sanguines. Apprenant en 1992 qu’il a été contaminé par le virus de l’hépatite C, le patient a demandé à être indemnisé. Après avoir refusé une offre d’indemnisation provisionnelle de l’ONIAM, il a saisi la juridiction administrative en 2013. Un an plus tard, en 2014, les juges administratifs ont fait droit à sa demande. En 2015, après avoir indemnisé le patient, l’ONIAM a entendu exercer son recours contre l’assureur du centre de transfusion sanguine. Toutefois, le 12 janvier 2023, la Cour d’appel de Paris a rejeté la demande de remboursement de l’ONIAM. Les juges du fond ont considéré qu’une triple preuve n’était pas rapportée : d’abord la preuve de la réalité de la transfusion, ensuite la preuve de l’origine transfusionnelle de la contamination, et enfin la preuve que la contamination avait eu lieu pendant la période de validité du contrat d’assurance.

L’ONIAM a formé un pourvoi en cassation, composé d’un moyen unique, divisé en trois branches. Le 26 juin 2024, la première chambre civile casse dans toutes ses dispositions l’arrêt de la Cour d’appel de Paris. Se fondant sur les articles L. 1221-14 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 14 décembre 2020, et...

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