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Structure de la rémunération et avantage individuel acquis : nouvelle étape

L’engagement unilatéral de l’employeur, contraire au principe selon lequel la structure de la rémunération résultant d’un accord collectif dénoncé constitue, à l’expiration des délais prévus à l’article L. 2261-13 du code du travail, un avantage individuel acquis qui est incorporé au contrat de travail, ne peut avoir force obligatoire.

par Bertrand Inesle 31 mars 2016

Les salariés des entreprises auxquelles une convention ou un accord collectif dénoncé s’appliquait conserve le bénéfice, faute d’accord de substitution conclu dans l’année suivant l’expiration du préavis, des avantages individuels acquis au titre de cette convention ou de cet accord (C. trav., art. L. 2261-13). La notion d’avantage individuel acquis est au cœur du fonctionnement de cette règle et a depuis longtemps fait l’objet de discussions (V. E. Dockès, L’avantage individuel acquis, Dr. soc. 1993. 826 ; Y. Aubrée, Le concept légal d’« avantage individuel acquis », RJS 2000. 699). S’agissant de la rémunération, la Cour de cassation a, quant à elle, pris à de nombreuses reprises position à la fois sur ce qui pouvait être qualifié d’avantage individuel acquis et sur le régime applicable à cet avantage. D’abord, en estimant que la prime ou l’avantage salarial devenu un avantage individuel acquis est incorporé de ce fait au contrat de travail (V. Soc. 6 nov. 1991, n° 87-44.507, Bull. civ. V, n° 479 ; D. 1992. 294 , obs. M.-A. Rotschild-Souriac ; JCP E 1992. I. 264, note Pochet ; 13 mars 2001, n° 99-45.651, Bull. civ. V, n° 90 ; D. 2001. 1215 ; Dr. soc. 2001. 571, obs. C. Radé ; RDSS 2001. 574, note S. Hennion-Moreau ). Une fois contractualisé, l’avantage salarial est alors soumis au même régime que la modification du contrat de travail et ne peut faire l’objet d’une modification unilatérale par l’employeur (sur la règle générale appliquée en matière de rémunération, V. Soc. 28 janv. 1998, n° 95-40.275, Bull. civ. V, n° 40 ; D. 1998. 65 ; Dr. soc. 1998. 523, note G. Couturier ; ibid. 1999. 566, étude P. Waquet ; 19 mai 1998, n° 96-41.573, Bull. civ. V, n° 265 ; Dr. soc. 1998. 878, note G. Couturier ; ibid. 1999. 566, étude P. Waquet ). Ensuite, en délimitant les stipulations conventionnelles susceptibles d’engendrer des avantages individuels acquis. Ainsi, bien que les modalités d’évaluation du salaire de base prévues par l’accord dénoncé ne constituent pas un tel avantage, il en va autrement du niveau de la rémunération atteint au jour de la dénonciation, lequel doit être maintenu (V. Soc. 26 janv. 2005, n° 02-44.712, Bull. civ. V, n° 32), ou du salaire de base garanti (V. Soc. 26 avr. 2006, n° 04-41.863, Bull. civ. V, n° 155 ; D. 2006. 1482 ). La Cour a, plus récemment, considéré que le maintien de la rémunération du temps de pause constituait également un avantage individuel acquis (V. Soc. 5 nov. 2014, n° 13-14.077, Bull. civ. V, n° 258 ; Dalloz actualité, 28 nov. 2014, obs. W. Fraisse ; JS Lamy 2015, n° 379-6, obs. H. Tissandier). Entre temps, deux importants arrêts du 1er juillet 2008 ont qualifié d’avantage individuel acquis la structure même de la rémunération résultant d’un accord collectif dénoncé (V. Soc. 1er juill. 2008, nos 07-40.799 et 06-44.437, Bull. civ. V, n° 147 ; Dalloz actualité, 16 juill. 2008, obs. B. Ines ; RDT 2008. 753, obs. C. Nicod ; JCP S 2008. 1553, note F. Dumont).

Ils reçurent une double confirmation (V. Soc. 16 sept. 2008, n° 07-43.580, D. 2009. 590, obs. G. Borenfreund, L. Camaji, A. Fabre, O. Leclerc, T. Pasquier, E. Peskine, J. Porta et C. Wolmark ), s’agissant tant de la teneur de la solution que de sa portée, puisque les arrêts du 1er juillet 2008 ne remettaient pas frontalement en cause la précédente décision du 26 janvier 2005 et devaient au contraire se combiner avec elle : niveau et structure de la rémunération sont simultanément maintenus en qualité d’avantages indivuels acquis (V., B. Ines, préc. ; contra C. Radé, préc.).

Le présent arrêt du 2 mars 2016 marque une nouvelle étape dans la jurisprudence de la Cour de cassation dans son appréciation de la structure de la rémunération par le prisme de l’avantage individuel acquis.

En l’espèce, qui, comme en 2008, mettait en jeu les effets de la dénonciation en 2001 d’un accord collectif du 19 décembre 1985 applicable aux entreprises du réseau des caisses d’épargne et prévoyant le versement, outre d’un salaire de base, notamment de primes de...

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