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Stupéfiants et exceptions de nullité : d’intéressants rappels

Cet arrêt de rejet est l’occasion, pour la chambre criminelle, de procéder à d’utiles rappels à propos de requêtes en nullité formulées dans la cadre d’une procédure pour infractions à la législation sur les stupéfiants.

par Dorothée Goetzle 15 janvier 2020

En l’espèce, un individu qui avait tenté de prendre la fuite à la vue d’un véhicule de police était interpellé aux fins de contrôle d’identité. Une palpation de sécurité permettait de découvrir, au niveau de sa jambe gauche, une protubérance rectangulaire. Il s’agissait de résine de cannabis. À l’issue d’une seconde palpation de sécurité réalisée lors de son arrivée au commissariat, les policiers constataient qu’il était porteur, au niveau de la cheville gauche, d’une poche plastique contenant de nombreux sachets de résine de cannabis, conditionnés pour la vente, ainsi que de deux blocs de produits d’un poids total de trois cent onze grammes. L’intéressé faisait l’objet d’une convocation par officier de police judiciaire des chefs de détention et transport de produits stupéfiants. Après avoir constaté son absence, le tribunal le déclarait coupable. Le prévenu et le ministère interjetaient appel de la décision. Les seconds juges le condamnaient, pour infractions à la législation sur les stupéfiants, à dix mois d’emprisonnement.

Primo, les magistrats rejetaient son exception de nullité faisant valoir que les palpations de sécurité, effectuées par un agent de police judiciaire, correspondaient en réalité à une fouille et auraient dû, en conséquence, être réalisées par un officier de police judiciaire. À leurs yeux, la découverte de la résine de cannabis était la conséquence de la protubérance ressentie au niveau de la jambe gauche. Dans ce contexte, la palpation de sécurité visait avant tout à s’assurer de l’absence de dangerosité de l’objet ressenti. À cela s’ajoute qu’aucune disposition n’interdisait aux forces de l’ordre de procéder à une seconde recherche, qui, au regard d’un probable placement en garde à vue, était en l’espèce légitime pour s’assurer de l’absence de tout objet, aussi petit soit-il, susceptible de présenter un danger pour la personne gardée à vue ou les fonctionnaires. Secundo, ils rejetaient la demande en nullité tirée du motif de l’absence d’un officier de police judiciaire lors de la pesée des produits stupéfiants. Les juges du fond considéraient en effet que les dispositions de l’article 706-30-1 du code de procédure pénale, qui renvoient explicitement à l’article 99-2 du même code, lequel ne trouve à s’appliquer qu’aux biens placés sous main de justice, n’étaient pas applicables en l’espèce dans la mesure où les produits découverts n’avaient fait l’objet ni de saisie ni de placement sous scellés.

Sur ces deux aspects, la Cour de cassation approuve le raisonnement des juges du fond. D’abord, elle relève que les palpations de sécurité réalisées avaient pour finalité de vérifier que la personne contrôlée n’était porteuse d’aucun objet dangereux pour elle-même ou pour autrui. Sans surprise, la haute juridiction en déduit que les fouilles de sécurité étaient justifiées et qu’il ne s’agissait nullement de perquisitions. Ce faisant, les hauts magistrats confirment que les palpations de sécurité doivent avoir pour objectif de s’assurer que la personne ne transporte pas d’objets dangereux (Crim. 1er mars 2006, n° 05-87.252 P, D. 2006. 1188 ; AJ pénal 2006. 304 , note P. Remillieux ). Ce choix est logique. En effet, l’article III.7.2.1. de la circulaire du 23 mai 2011 relative à l’application des dispositions relatives à la garde à vue de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 précise les modalités de réalisation des palpations de sécurité. Selon cette disposition, elles « consistent en de simples tapotements par-dessus les vêtements d’une personne », ce qui était bien le cas en l’espèce. En outre, l’objet même de la fouille par palpation est de s’assurer que la personne ne détient pas d’objet dangereux pour elle-même ou pour autrui, énonce l’article 63-6 du code de procédure pénale (Crim. 27 sept. 1988, n° 88-81.786 , Gaz. Pal. 1989. 1. Somm. 75 ; 17 avr. 1989, n° 87-91.910 ; 5 janv. 2005, n° 04-81.714, Bull. crim. n° 6 ; AJ pénal 2005. 119 ; RSC 2005. 373, obs. J. Buisson ; 1er mars 2006, n° 05-87.252, Bull. crim. n° 60 ; D. 2006. 1188 ; AJ pénal 2006. 304 , note P. Remillieux ; 9 déc. 2015, n° 14-84.852, Dalloz jurisprudence ; 19 oct. 2016, n° 15-84.476, Dalloz jurisprudence ; 8 nov. 2011, n° 11-80.821, Dalloz jurisprudence ; 22 févr. 2012, n° 11-85.379  29 mars 2017, nos 16-82.763 et 09-82.511  v. égal. Aix-en-Provence, 28 juin 1978, Gaz. Pal. 1979. 1, p. 79). La même analyse vaut pour la présence d’une arme visible dans la boîte à gants disloquée d’un véhicule accidenté (Crim. 2 mars 1993, n° 91-81.033, Bull. crim. n° 93 ; RSC 1994. 123, obs. A. Braunschweig ).

Ensuite, la chambre criminelle confirme que les prescriptions de l’article 706-30-1 ne sont applicables que dans le cas de pesée des substances saisies avant leur destruction. C’est donc là encore à bon droit et sans surprise que les juges du fond ont pu rejeter la demande de nullité tirée du motif de l’absence d’un officier de police judiciaire lors de la pesée des produits stupéfiants (Crim. 24 janv. 2007, n° 06-88.351 P, D. 2007. 729 ; AJ pénal 2007. 143, obs. G. Roussel ; RSC 2008. 645, obs. J. Buisson ; Procédures 2007, n° 148, obs. Buisson ; 31 oct. 2017, n° 17-80.872, Dalloz actualité, 16 nov. 2017, obs. W. Azoulay ; D. 2017. 2253 ; AJ pénal 2018. 95, obs. F.-X. Roux-Demare ).