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Subrogation de l’AGS et paiement des frais de justice

Dans cet arrêt publié rendu le 20 novembre 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation réitère sa solution : l’AGS subrogée dans les droits des salariés peut demander le remboursement immédiat de ces avances au titre des créances superprivilégiées. Cette somme ne peut faire l’objet d’une action en répétition pour permettre le paiement des émoluments du liquidateur, car le paiement n’est pas réalisé à titre provisionnel, mais à titre définitif et hors du classement des créanciers. Pour la première fois, elle applique cette dernière conséquence en refusant une demande de restitution faite par le liquidateur pour payer ses émoluments. Elle interroge ainsi sur les possibilités de paiement des frais de justice postérieurs.

Contexte. Les créances salariales en raison de leur caractère alimentaire (Com. 3 mai 2016, n° 14-24.855, Dalloz actualité, 24 mai 2016, obs. X. Delpech ; D. 2016. 997 ; RTD com. 2016. 552, obs. A. Martin-Serf ; APC 2016, n° 121, note L. Fin-Langer) bénéficient d’un régime dérogatoire et protecteur lorsqu’une procédure collective est ouverte à l’encontre de l’employeur. À ce titre, a ainsi été mis en place en 1973, à la suite de la faillite de l’entreprise LIP, un mécanisme de prise en charge des créances salariales par l’AGS. Ce dispositif, qui a inspiré le droit communautaire (Dir. 80/987/CEE du 20 oct. 1980 ; Dir. 2002/74/CE du 23 sept. 2002 ; Dir. 2008/94/CE du 22 oct. 2008), repose sur une avance que fait l’AGS si l’entreprise en difficulté n’a pas les fonds disponibles pour payer ces créances. Ensuite, l’AGS peut en obtenir le remboursement. Pour garantir l’équilibre financier de cet organisme financé par des cotisations des entreprises, la loi de 1973 avait prévu qu’elle était subrogée dans tous les droits des salariés. Depuis 1985, le domaine de la subrogation s’est réduit. Elle le reste pour toutes les avances faites dans le cadre de la sauvegarde (C. trav., art. L. 3253-16). En cas de redressement et de liquidation judiciaire, l’AGS ne l’est que pour certaines créances, dont celles superprivilégiées (F. Perochon et alii, Entreprises en difficulté, 11e éd., LGDJ, n° 2373). Pour ces dernières, l’AGS peut-elle, en se fondant sur la subrogation, demander le remboursement immédiat prévu par l’article L. 625-8 du code de commerce qui autorise leur paiement immédiat au salarié sur demande du mandataire et autorisation du juge-commissaire ? La Cour de cassation a répondu à cette question par l’affirmative dans des arrêts très attendus du 17 janvier 2024 (Com. 17 janv. 2024, n° 22-19.451 FS-B+R ; 17 janv. 2024, n° 23-12.283, F-B, Dalloz actualité, 1er févr., 2024, obs. C. Gailhbaud ; D. 2024. 108 ; RTD civ. 2024. 112, obs. H. Barbier ; RTD com. 2024. 748, obs. A. Martin-Serf ; APC 2024, n° 37, note L. Fin-Langer ; LEDEN 2/2024, n° 1, note F.-X. Lucas). Cette réponse est confirmée dans la décision du 20 novembre dernier, la Cour relevant d’office ce moyen. Elle en tire alors, pour la première fois, toutes les conséquences au détriment du paiement des émoluments du liquidateur.

Espèce. Dans cette affaire, l’AGS avait avancé un peu plus de 672 000 € aux salariés à la suite de la liquidation judiciaire prononcée en janvier 2014, dont 295 000 € environ au titre des créances superprivilégiées. En décembre 2016, le liquidateur remet à l’AGS 40 000 €, mais en 2022, il soutient qu’il n’a pas les fonds disponibles pour couvrir ses émoluments et demande à l’AGS la restitution de la somme de 3 013, 88 €, ce que l’AGS refuse. Le tribunal de commerce accède à cette demande, en affirmant que le versement de 40 000 € correspondait à une avance sur répartition. Par ailleurs, il se fonde sur l’article L. 643-8 du code de commerce, selon lequel le montant de l’actif, distraction faite des frais et des dépenses de la liquidation et des subsides accordés au débiteur, est réparti entre les créanciers. La Cour de cassation casse le jugement pour violation de l’article L. 625-8 du code de commerce, applicable à la liquidation judiciaire sur renvoi des articles L. 641-14 et L. 3253-16, 2°, du code du travail, moyen que la Cour a relevé d’office. Elle rappelle que les sommes garanties par le superprivilège sont payées sur ordonnance du juge-commissaire aux salariés dans les dix jours qui suivent le prononcé du jugement ouvrant la procédure lorsque l’administrateur ou le liquidateur dispose des fonds nécessaires et qu’à défaut de disponibilités, ces sommes doivent être acquittées sur les premières rentrées de fond. Elle indique également que « Il s’en déduit que la subrogation, dont bénéficient les institutions de garantie, a pour effet de les investir de la créance des salariés avec tous ses avantages et accessoires, présents et à venir, et que le superprivilège, garantissant le paiement de leurs créances, lequel n’est pas exclusivement attaché à la personne des salariés, est transmis à l’AGS qui bénéficie ainsi du droit à recevoir un paiement qui, effectué sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective et hors le classement des différentes créances sujettes à admission, ne constitue pas un paiement à titre provisionnel opéré sur le fondement de l’article L. 643-3, alinéa 1er, du code de commerce et ne peut donner lieu à répétition. ». Le tribunal ne pouvait donc pas ordonner la répétition de cette somme pour payer les émoluments du liquidateur. Cette décision du 20 novembre 2024 confirme la portée globale de la subrogation de l’AGS dans les droits attachés au superprivilège des salariés. Elle apporte également un éclairage sur les conséquences de cette subrogation sur le paiement des frais de justice postérieurs, dont les émoluments des organes de la procédure.

Confirmation de la portée globale de la subrogation au profit de l’AGS

Nature du superprivilège accessoire de la créance. La Cour de cassation confirme ainsi que la subrogation a un effet global et porte « sur tous les avantages et accessoires, présents et à venir ». Le superprivilège n’est pas un droit attaché à la personne du salarié. Cette...

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