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Article
Suite et fin de l’affaire Urgenda : une victoire pour le climat
Suite et fin de l’affaire Urgenda : une victoire pour le climat
Alors que les résultats obtenus lors de la récente COP 25 ont déçu de nombreux observateurs et que la voie diplomatique est plus que jamais critiquée pour ses lenteurs et ses insuffisances, la décision du 20 décembre 2019 de la Cour suprême néerlandaise dans l’affaire Urgenda vient clore un premier contentieux climatique qui a marqué, jusqu’à cette dernière étape, un véritable tournant dans l’utilisation militante du droit devant le prétoire.
par Charlotte Collinle 29 janvier 2020
Le juge néerlandais persiste et signe
Si les contentieux climatiques se multiplient aujourd’hui à l’échelle mondiale (Dossier : Le contentieux climatique devant le juge administratif français, RFDA 2019. 629 ; M. Hautereau-Boutonnet, Les procès climatiques : quel avenir dans l’ordre juridique français ?, D. 2019. 688 ), le premier d’entre eux a débuté il y a plus de cinq ans.
Le 12 novembre 2012, la fondation Urgenda, organisation non gouvernementale militant pour le développement durable aux Pays-Bas, décide d’écrire au premier ministre néerlandais pour demander que l’État s’engage à réduire de 40 % les émissions de CO2 d’ici à 2020 (par rapport aux émissions mesurées en 1990). Insatisfaite de la réponse obtenue, la fondation décide de saisir le tribunal de première instance de La Haye le 24 juin 2015 en invoquant plusieurs principes de droit international, dont le droit international du climat, qui font peser sur l’État une obligation de diligence due. C’est l’occasion pour le juge néerlandais de prononcer une décision historique en affirmant que les objectifs néerlandais de réduction des gaz à effet de serre sont trop faibles par rapport à la Constitution néerlandaise, aux objectifs de réduction des émissions fixés par l’Union européenne, aux principes établis en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme, à l’obligation de ne pas nuire établie en droit international, mais également aux principes d’équité, de précaution et de durabilité énoncés dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et l’Accord de Paris. Le juge se fonde en particulier sur le développement d’un cadre juridique de lutte contre le changement climatique composé des obligations issues de la CCNUCC, du Protocole de Kyoto, de l’amendement de Doha, mais également des décisions de la COP pour déterminer plus précisément les objectifs de réduction auxquels s’est engagé l’État néerlandais (District Court, La Haye, 24 juin 2015, aff. C/09/456689/HA ZA 13-1396).
La décision bénéficie alors d’un retentissement mondial, puisqu’elle consacre pour la première fois une obligation pour un État de se conformer aux objectifs mondiaux de réduction des gaz à effet de serre. Elle marque également un véritable tournant dans l’utilisation militante du droit en créant une nouvelle voie de revendication pour la société civile (D. 2015. 2278, obs. L. Neyret ). Cette solution fut ensuite confirmée par la cour d’appel de La Haye le 9 octobre 2018 (La Haye, division du droit civil, 9 oct. 2018, État des Pays-Bas c. Fondation Urgenda, n° 200.178.245/01).
Mettant fin à plus de cinq ans de procédure, la Cour suprême des Pays-Bas a rejeté, le 20 décembre dernier, le pourvoi en cassation introduit par l’État contre l’arrêt de la cour d’appel. L’arrêt accentue par ailleurs le lien entre changement climatique et protection des droits de l’homme en retenant en particulier que les Pays-Bas ont agi illégalement, en violation des articles 2 (droit à la vie) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme, qui consacrent un devoir de protection selon lequel l’État doit respecter un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 25 % d’ici fin 2020 (aff. n° 19/00135).
Une source d’inspiration pour les contentieux climatiques en France
Les conséquences de l’affaire Urgenda dépassent les frontières des Pays-Bas. En effet, sous son impulsion, deux types de recours ont récemment été adressés contre l’État français (v. Y. Aguila, Petite typologie des contentieux climatiques contre l’État, AJDA 2019. 1853 ) : en excès de pouvoir, pour l’un, et en indemnisation, pour l’autre. Dans les deux cas, à l’instar des arguments présentés par la fondation Urgenda, les requêtes invoquent la carence fautive de l’État français. En particulier, la requête conjointe introduite par quatre organisations non gouvernementales (Notre affaire à tous, la Fondation pour la nature et l’homme, Greenpeace France et Oxfam France), dans ce que l’on appelle aujourd’hui l’« affaire du siècle », vise à reconnaître la carence fautive de l’État français en matière climatique et à lui enjoindre de prendre toutes mesures utiles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Au soutien de leur demande, les requérants s’appuient sur l’existence d’une obligation générale de lutte contre le changement climatique, issue d’un ensemble de textes dont la Charte de l’environnement et la Convention européenne des droits de l’homme (C. Cournil, A. Le Dylio et P. Mougeolle, « L’affaire du siècle » : entre continuité et innovations juridiques, AJDA 2019. 1864 ). La requête, qui vise donc à la reconnaissance d’un principe général de droit, se fonde notamment sur une interprétation des obligations des droits de l’homme comme imposant à l’État une obligation de lutte contre le changement climatique (v. le brief juridique, spéc. p. 12).
Autre exemple d’un tel phénomène, la requête introduite par la commune de Grande-Synthe devant le Conseil d’État demandant l’annulation de mesures d’adaptation et d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre. Ce recours juridictionnel fait suite à un recours gracieux que le maire avait transmis au ministre de la transition écologique et qui était resté sans réponse pendant plus de deux mois. Il vise notamment à obtenir que l’État prenne toutes les dispositions législatives et réglementaires nécessaires pour rendre obligatoire la priorité climatique et interdire toute mesure susceptible d’augmenter les gaz à effet de serre, notamment sur le fondement du droit international climatique (C. Huglo, Procès climatiques en France : la grande attente. Les procédures engagées par la commune de Grande-Synthe et son maire, AJDA 2019. 1861 ). La décision de la Cour suprême des Pays-Bas sera-t-elle suivie par les juridictions françaises, devant lesquelles l’instruction de ces dossiers est toujours en cours ?
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