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La suppression d’instances inquiète le monde de la recherche sécurité-justice

Après la Milivudes et l’INHESJ, de nombreuses instances sont menacées par une politique de réduction des organismes associés, initiée par le Premier ministre. Au ministère de la Justice, l’Observatoire de la récidive et de la désistance, la Commission de suivi de la détention provisoire et le Conseil national de l’aide aux victimes doivent être supprimés. D’autres structures pourraient suivre.

par Pierre Januelle 16 octobre 2019

Un objectif : réduire le nombre d’instances

La circulaire du 5 juin 2019 du Premier ministre était claire. Édouard Philippe appelait à « réduire le nombre d’instances et de commissions rattachées aux administrations centrales ». Pour le Premier ministre, « la multiplicité de ces structures […] nuit à la lisibilité et à la cohérence des missions des administrations centrales. » Le gouvernement exigeait que les administrations justifient « le maintien des structures dont la taille n’excède pas 100 emplois ETP » (Dalloz actualité, 12 juin 2019, obs. J.-M. Pastor).

Les organismes relevant du Premier ministre ont été les premiers touchés. Deux suppressions ont déjà été annoncées : la Milivudes (qui suivait les phénomènes sectaires) et l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). Doté d’un budget de 6 millions d’euros et de 64 postes, l’institut propose des formations et un programme de recherche sur les questions de délinquance. Au travers de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, il est chargé d’étudier les évolutions statistiques en matière de délinquance.

Pour les salariés de l’organisme, l’annonce lors d’une réunion interministérielle début octobre, de sa suppression fin 2020, a été brutale. Des syndicats, associations et chercheurs se sont inquiétés du devenir des missions assurées jusqu’ici par l’INHESJ. Elles devraient être reprises par d’autres organismes (comme l’Institut des hautes études de défense nationale [IHEDN]) ou par les administrations centrales. Mais l’indépendance de l’Observatoire était une garantie importante, les statistiques de la délinquance ayant parfois été sujettes à des accusations de manipulations politiques.

Plusieurs organismes du droit et de la justice ont vocation à être supprimés

Tous les ministères doivent faire des propositions au Premier ministre. Mais, dans l’attente des arbitrages définitifs, peu de réponses officielles sont données.

Toutefois, sur les 394 organismes recensés dans le document budgétaire sur les instances placées auprès du gouvernement, c’est presque le cinquième qui est indiqué comme ayant vocation à être supprimé. Parmi les organismes concernés, la Commission de suivi de la détention provisoire (Dalloz actualité, 2 juill. 2018, obs. P. Dufourq), le Conseil national de l’aide aux victimes et l’Observatoire de la récidive et de la désistance (Dalloz actualité, 10 sept. 2014, art. M. Babonneau). Contacté, Christian Mouhanna chercheur membre de l’Observatoire, fait part de sa surprise : « Je n’avais pas été informé de cette suppression. L’observatoire est composé de membres bénévoles, ne coûte presque rien à l’état [NDLR moins de 3 000 €/an moyenne] et produit des éléments importants pour le débat public. Veut-on supprimer la recherche indépendante sur la délinquance et la récidive ? ». 

D’autres structures, plus importantes, pourraient venir. La Mission de recherche droit et justice, qui dépend du ministère de la Justice et du CNRS, joue un rôle important dans la recherche sur la Justice et le droit. Son coût est inférieur à 1,5 million d’euros et elle initie nombre de recherches, régulièrement citées par Dalloz actualité. Mais, si le budget 2020 prévoit son financement, son devenir à moyen terme inquiète de nombreux acteurs. Son avenir, tout comme celui de l’INHEJ, n’est pour l’instant pas arrêté. La mission pourrait être remise en cause ou contrainte à fusionner.