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Sur la compétence internationale du juge de l’honoraire

Il résulte des articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat que les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires d’avocat sont soumises successivement au bâtonnier de l’ordre des avocats auquel appartient l’avocat qui y dispose de son cabinet principal, puis au premier président de la cour d’appel dans le ressort duquel l’ordre est établi. En l’absence de saisine d’une juridiction étrangère, la compétence du juge français procède du texte précité qui désigne le bâtonnier du barreau auquel l’avocat est inscrit pour connaître de la contestation d’honoraires, peu important que la mission de l’avocat se rattache de manière caractérisée au for étranger et n’ait aucun lien de rattachement caractérisé avec la juridiction française.

Nous l’écrivions tout récemment : il arrive que la compétence du juge de l’honoraire fasse difficulté. Le 19 septembre 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation s’est penchée sur deux difficultés, l’une intéressant la compétence matérielle du juge de l’honoraire (n° 22-22.984, M. Barba, Sur la compétence matérielle du juge de l’honoraire, Dalloz actualité, 2 oct. 2024; D. 2024. 1625 ), l’autre sa compétence internationale (n° 22-24.870, D. 2024. 1625 ). C’est de la compétence internationale du juge de l’honoraire qu’il sera question ici et donc du second de ces arrêts.

Un syndic à la liquidation judiciaire d’une société confie la défense de ses intérêts devant les juridictions marocaines à un avocat, aux fins de contestation de diverses créances et d’une action en comblement de passif à l’encontre des dirigeants sociaux. D’emblée, on précisera que la société concernée est une société anonyme de droit marocain, dont le siège social est sis au Maroc – la précision a son importance.

Des difficultés surviennent et aboutissent à la saisine du Bâtonnier de Paris par l’avocat, lequel sollicite une fixation d’honoraires. Le bâtonnier se déclare compétent et fixe à une certaine somme les honoraires dus par le client. Ce dernier relève appel devant le premier président d’une cour d’appel et soulève d’emblée l’incompétence du Bâtonnier de Paris pour connaître du litige. C’est la compétence internationale pour en connaître qui lui ferait prétendument défaut.

Par un arrêt du 7 novembre 2022, le premier président infirme et retient effectivement l’incompétence du juge français de l’honoraire. Le juge d’appel mobilise un faisceau d’indices pour aboutir à cette conclusion : la lettre de mission adressée à l’avocat ne se référait ni à la loi française ni à la qualité d’avocat français de l’avocat ; ladite lettre fut d’ailleurs rédigée en langue arabe et expédiée à une adresse professionnelle de l’avocat au Maroc, n’étant pas contesté que celui-ci était également inscrit comme avocat au Barreau de Casablanca et se trouvait même être agréé auprès de la Cour de cassation marocaine.

L’arrêt retient encore qu’aucune des missions confiées n’a été accomplie en France : elles le furent toutes sur le sol marocain, devant les juridictions locales. Enfin, l’arrêt souligne que l’ensemble de la documentation soumise au juge de l’honoraire a été originellement établie en langue arable et chiffrée par référence à la monnaie ayant cours au Maroc. En somme, le premier président souligne les liens caractérisés du litige avec le for marocain et, en contrepoint, la faiblesse – sinon l’inexistence – des liens avec le for français, ce qui le conduit à retenir l’incompétence du juge français de l’honoraire.

Un pourvoi est formé, soutenu par un unique moyen de cassation, dont la teneur est et demeurera inconnue. De fait, la Cour de cassation relève un moyen d’office en vue de casser l’arrêt déféré. La deuxième chambre civile se réfère aux articles 174 et suivants du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991. Selon le premier, les contestations d’honoraires d’avocats ne peuvent être réglées qu’en recourant à la procédure prévue aux articles 175 à 179 dudit décret.

Or, selon la Cour, « il résulte de ces textes que les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires d’avocat sont soumises successivement au bâtonnier de l’ordre des avocats auquel appartient l’avocat qui y dispose de son cabinet principal, puis au premier président de la cour d’appel dans le ressort duquel l’ordre est établi » (§ 7). En langage internationaliste, la localisation de l’avocat et, plus exactement, la localisation de son cabinet principal déterminerait suffisamment la compétence internationale du juge français s’agissant des contestations d’honoraires.

Ainsi, pour un avocat dont le cabinet principal est localisé en France et « en l’absence de saisine d’une juridiction » étrangère, «...

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