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Sursis à statuer : prononcé d’office par le juge dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice

Chargé de veiller au bon déroulement de l’instance, le juge dispose du pouvoir d’ordonner d’office un sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

par Mehdi Kebirle 23 mai 2018

La décision rapportée a notamment trait au régime juridique de la décision de sursis dont l’objet est de suspendre le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine (C. pr. civ., art. 378). À une époque marquée par l’accélération du temps judiciaire où la célérité est devenue le maître-mot, cette décision a des allures de réconfort en ce qu’elle rappelle la faculté laissée au juge de mettre le cours de la justice entre parenthèses, au moins pour un temps, lorsque cela en sert la qualité.

En l’espèce, une société avait remis à l’encaissement un chèque d’une autre société mais la banque a refusé le paiement, en l’état d’un compte insuffisamment provisionné et d’une opposition du dirigeant de la société débitrice, lequel a affirmé ne pas avoir signé le chèque. Le but de l’action était de recevoir le paiement d’une somme correspondant au montant du chèque. La société demanderesse a par la suite interjeté appel du jugement rejetant cette demande et la condamnant à payer à la banque une certaine somme pour procédure abusive.

Les juges d’appel ont décidé de surseoir à statuer sur cet appel jusqu’au prononcé d’une décision pénale définitive sur la constitution de partie civile déposée pour faux et usage de faux dans le cadre de la même affaire.

La société a alors formé un pourvoi en cassation.

La demanderesse reprochait aux juges du fond d’avoir prononcé le sursis à statuer d’office alors que selon elle, ce type de décision doit faire l’objet d’une demande des parties.

L’arrêt est rendu en deux temps. Dans un premier temps, la Cour de cassation se prononce sur la recevabilité du pourvoi. Elle énonce au visa des articles 380-1, 606, 607 et 608 du code de procédure civile, que, sauf excès de pouvoir, la décision de sursis à statuer, qui ne tranche pas le principal et ne met pas fin à l’instance, ne peut être frappée d’un pourvoi que pour violation de la règle de droit gouvernant le sursis à statuer.

Elle énonce dans un second temps que le juge étant chargé de veiller au bon déroulement de l’instance, il dispose du pouvoir d’ordonner d’office un sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

Le pourvoi est donc jugé irrecevable sur ce point.

Les deux règles rappelées par la Cour de cassation dans cet arrêt méritent des explications.

S’agissant dans un premier temps du pourvoi ouvert contre ce type de décision, il faut rappeler que lorsque la décision de sursis a été rendue en dernier ressort, une voie de recours immédiate est ouverte, celle du pourvoi en cassation. Mais ce recours ne peut être formé que « pour violation de la règle de droit » (C. pr. civ., art. 380-1), celle gouvernant le sursis, non le fond du litige. Le pourvoi se trouve donc, en principe, exclu lorsque le sursis a été prononcé en vue d’une bonne administration de la justice (Civ. 2e, 11 févr. 1987, n° 84-10.676 , Bull. civ. II, n° 40 ; Com. 19 juill. 1988, n° 87-10.227, Bull. civ. IV, n° 251 ; Gaz. Pal. 1989. 1. Somm. 160, obs. Croze et Morel ; Civ. 2e, 13 mai...

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