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Système de santé : le gouvernement veut « décloisonner »

L’exécutif veut organiser le système de santé, « pilier de l’État providence du XXIe siècle », selon le président de la République, autour des besoins du patient.

par Marie-Christine de Monteclerle 20 septembre 2018

« Décloisonner ». Tel est le maître mot de la réforme du système de santé que le président de la République a lancée le 18 septembre, par un discours à l’Elysée, avant que la ministre des Solidarités et de la santé, Agnès Buzyn ne le détaille lors d’une conférence de presse. Décloisonner le financement, en passant progressivement d’un paiement à l’acte pour la médecine libérale et d’une tarification à l’activité pour les hôpitaux à des financements fondés sur les parcours de soins, leur qualité et leur pertinence. Décloisonner l’organisation, en encourageant les coopérations entre les professionnels de santé, quel que soit leur statut, et entre médecine de ville et hôpital. Décloisonner les exercices professionnels, en encourageant des exercices mixtes ville/hôpital et des formations passant par les deux secteurs.

Emmanuel Macron n’a pas hésité à comparer l’ampleur du projet, baptisé « Ma santé 2022 » aux ordonnances Debré de 1958. Selon le chef de l’État, « c’est un changement de paradigme que nous devons mettre en œuvre » pour faire face aux évolutions sociales (allongement de la durée de la vie, développement des maladies chroniques, déserts médicaux…). L’objectif est de réorganiser le système autour des besoins du patient. Ainsi, le gouvernement estime-t-il que le désengorgement des urgences passe par une réponse extérieure à l’hôpital aux urgences non vitales de jour. Pour la mettre en œuvre, il compte sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), créées par la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016. Il souhaite que les CPTS, qui regroupent l’ensemble des professionnels de santé d’un territoire, soient généralisées à l’horizon 2022, avec notamment pour mission la réponse aux demandes de soins non programmés. À terme, le gouvernement souhaite, sans vouloir l’imposer mais en jouant sur la rémunération, la disparition de l’exercice isolé des professions libérales de santé.

La fin du numerus clausus dans les facultés de médecine

Face aux difficultés d’accès aux soins dans un certain nombre de territoires, ruraux mais aussi périurbains, il apporte plusieurs réponses. À long terme, c’est la suppression du fameux numerus clausus et la réorganisation complète des études de médecine, qui devrait être effective à la rentrée 2020, mais qui ne produira pas d’effets avant une quinzaine d’années. À moyen terme, il s’agit de libérer du temps médical en déchargeant les médecins de certaines tâches administratives ou annexes, par la création d’une nouvelle profession, celle d’assistant médical, dont les contours restent cependant à définir. Enfin, à court terme, dès 2019, pour les zones les plus en difficulté, 400 jeunes médecins généralistes devraient être salariés par des hôpitaux de proximité pour assurer des consultations en ville.

Si « Ma santé 2022 » n’est pas qu’une réforme de l’hôpital, ceux-ci sont bien sûr concernés. D’abord par la réforme du financement. Celle-ci débutera dès 2019, avec la création de financements au forfait pour deux pathologies chroniques : le diabète et l’insuffisance rénale. En outre, l’enveloppe dédiée à l’encouragement de la qualité des soins sera portée de 60 à 300 M€. Ils seront également en première ligne sur le développement des indicateurs d’efficacité clinique et d’expérience patient qui doivent être développés.

Une organisation à trois niveaux

Surtout, le gouvernement veut mettre en place une organisation à trois niveaux : les hôpitaux de proximité, qui assureront des soins de médecine, gériatrie, réadaptation…, en lien avec les médecins libéraux qui seront invités à participer à leurs conseils de surveillance. Les soins spécialisés (chirurgie, maternité…) doivent être accessibles à tous, mais pas forcément près de chez soi car une trop faible activité est nuisible à la qualité, explique-t-on à l’Elysée. Enfin, un nombre limité d’établissements assureront des soins ultra-spécialisés (greffes, maladies rares…). Les établissements de santé, publics et privés, devront donc adapter leur organisation en fonction de cette gradation qui sera le fondement d’une réforme des autorisations des activités de soins, qui aura lieu entre 2020 et 2022.

Par ailleurs, Agnès Buzyn a annoncé une « approche renouvelée du management des ressources humaines hospitalières », avec notamment plus de souplesse pour le recrutement des contractuels et une attention particulière à la profession d’aide-soignant. Les praticiens hospitaliers devraient bénéficier d’un statut unique ou d’un contrat unique, leur permettant un exercice partagé ville/hôpital. La ministre souhaite en outre renforcer le rôle de la communauté médicale dans la gouvernance des hôpitaux, via un élargissement des compétences de la commission médicale d’établissement (CME) et la généralisation d’une véritable CME dans les groupements hospitaliers de territoire, qui seront renforcés et travailler davantage avec les établissements privés.

Les premières mesures de ce plan, celles concernant la tarification en particulier, figureront dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour prévoir les investissements, qu’il nécessite, celui-ci fixera la progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) à 2,5 %. Les autres mesures devraient figurer dans un projet de loi spécifique début 2019.

Le « oui mais » de la Fédération hospitalière de France

Après les annonces du président de la République, la Fédération hospitalière de France (FHF) a exprimé sa satisfaction face une réforme « globale, structurelle, systémique », qui reprend une partie de ses recommandations. Son président, Frédéric Valletoux a salué « la volonté de remettre l’hôpital à sa juste place, au cœur du système, dans une approche territoriale qui privilégie les coopérations avec tous les acteurs. » La FHF approuve également l’idée que la médecine prendre sa place dans les urgences de jour, même si elle doute que la mesure puisse remédier à la saturation des urgences. Toutefois, elle reste préoccupée par les tensions financières que subissent aujourd’hui les hôpitaux, alors que la réforme ne portera ses fruits que dans quelques années. Elle réitère donc sa demande de moratoire sur la baisse des tarifs en 2019. Elle souhaite également « une réflexion sur le rôle des ARS et la fin du mille-feuille bureaucratique. » Plus sévère, l’Association des petites villes de France évoque un « rendez-vous manqué » pour la lutte contre la désertification médicale. Elle craint la fermeture de services essentiels dans les territoires et appelle à des mesures plus contraignantes pour assurer la présence de généralistes dans les déserts médicaux.