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Taux horaire d’honoraires d’avocats et clause abusive

Dans un arrêt C-395/21, D.V. c/ M.A., la Cour de justice de l’Union européenne répond à six questions préjudicielles autour d’une clause de taux horaire dans une convention d’honoraires d’avocat et précise ainsi les conséquences de l’éradication de ladite clause.

L’utilisation du renvoi préjudiciel en matière de clauses abusives tourne à plein régime ces dernières années. Il faut noter, en effet, le nombre très important de questions préjudicielles posées et le nombre corrélatif d’arrêts rendus à ce sujet (v. par ex., CJUE 22 sept. 2022, aff. C-335/21, Dalloz actualité, 3 oct. 2022, obs. C. Hélaine ; CJUE 8 sept. 2022, aff. jtes C-80/21 à C-82/2, Dalloz actualité, 16 sept. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 1596 ; Rev. prat. rec. 2022. 25, chron. K. De La Asuncion Planes ). La décision D.V. contre M.A., du 12 janvier 2023 rendue par la Cour de justice de l’Union européenne s’inscrit dans la droite lignée de ces constats tout en étant accompagnée d’un communiqué de presse, ce qui renforce son importance. La trame de fond concerne la clause du tarif horaire pour calculer les honoraires d’un avocat sans que la stipulation ne comporte, dans les faits soumis à la juridiction de renvoi, d’autres précisions quant au calcul de ces honoraires. Rappelons les faits qui ont donné lieu à l’arrêt pour mieux comprendre le problème en jeu.

Ce sont les juridictions lituaniennes qui ont renvoyé les questions préjudicielles à la Cour de justice. Un consommateur décide de conclure entre le 11 avril et le 29 août 2018 cinq contrats de prestation de services juridiques avec un avocat pour diverses questions l’intéressant (copropriété de biens, résidence d’enfants mineurs, modalités de communication et de fixation de pension alimentaire, représentation devant un commissariat de police et défense des intérêts dans une procédure de divorce). Chaque contrat conclu comportait un alinéa 1er par lequel l’avocat s’engageait à fournir des consultations juridiques orales ou écrites et réaliser les recherches nécessaires ainsi que de représenter le client. Chacun des contrats prévoyait également une clause de fixation de taux horaire : les honoraires étaient fixés à un montant de 100 € « au titre de chaque heure de consultation ou de prestation de service juridiques fournie au client ». Le consommateur verse une avance sur honoraires pour un montant total de 5 600 €. Voici que l’avocat se rend compte qu’il n’a pas perçu l’intégralité des honoraires promis, si bien qu’il saisit le Kauno apylinkės teismas (le tribunal de district de Kaunas, en Lituanie). L’avocat demande la condamnation de son client à une somme de 9 900 € au titre des prestations juridiques réalisées et un montant de 194,30 € au titre des frais encourus dans le cadre de l’exécution des contrats majorés d’intérêts annuels. Par décision du 5 mars 2020, le tribunal de district fait partiellement droit à cette demande en estimant toutefois que certaines clauses étaient abusives et a réduit de moitié les honoraires réclamés, soit pour une somme de 6 450 €. En prenant compte de la somme déjà réglée, le tribunal a condamné le consommateur à une somme de 1044,33 € majorés d’un taux d’intérêt annuel de 5 %. L’avocat interjette appel, mais l’appel a été rejeté par ordonnance du 15 juin 2020 par le Kauno apygardos teismas (le tribunal régional de Kaunas, en Lituanie). L’avocat forme donc un pourvoi en cassation devant le Lietuvos Aukščiausiasis Teismas (la Cour suprême de Lituanie). Il s’agit de la juridiction de renvoi qui s’interroge sur deux problématiques différentes, à savoir l’exigence de transparence des clauses portant sur l’objet principal des contrats de prestations conclus et sur les conséquences de l’éradication de la clause pour la rémunération de l’avocat. La Cour suprême note notamment que si la clause relative au prix est claire d’un point de vue strictement grammatical, il est douteux que le consommateur en comprenne les conséquences, notamment sur la clause relative aux modalités de règlement ou sur la périodicité des sommes à payer. Elle note encore que l’invalidation de la clause relative au prix conduirait nécessairement à un enrichissement injustifié du consommateur puisque l’avocat a déjà fourni les prestations promises. C’est pour ces raisons que la Cour suprême lituanienne décide de...

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