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Le projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale le 6 mars dernier en procédure accélérée. Le gouvernement espère un vote avant l’été.
par Thomas Coustetle 12 mars 2019
Le texte a été présenté au gouvernement et déposé à l’Assemblée dans la foulée le 6 mars 2019, soit quelques jours après l’échec à faire inscrire à l’agenda européen un projet commun de directive. Quatre États sur vingt-sept ont en effet refusé de s’y rallier. L’Irlande et la Suède, notamment. Pourtant, du point de vue français, il y a urgence. Le mouvement des « gilets jaunes » a révélé combien la justice fiscale était au cœur des préoccupations. « Personne ne peut accepter que les plus grandes entreprises du numérique au monde payent quatorze points d’impôt de moins que les autres entreprises en Europe et ailleurs », a ainsi déploré Bruno Lemaire lors du discours prononcé à la presse après le conseil des ministres.
Comme d’autres pays européens l’ont fait à leur niveau, Bruno Lemaire tente de s’attaquer aux privilèges fiscaux des « géants du numérique » avec cette taxe GAFA, acronyme qui désigne Google, Apple, Facebook et Amazon qui ne paient que très peu d’impôt en France grâce à des opérations d’optimisation fiscale. Les projections rendues publiques par le ministère espèrent ainsi un gain de « 500 millions d’euros dès 2019 et autant les années suivantes ». Mais l’efficacité de cette mesure dévoilée mercredi dernier ne fait pas l’unanimité.
La question du champ d’application
La mesure, déjà appelée « taxe GAFA », a dans son viseur les entreprises « du numérique », pour « plus d’équité sociale », fait valoir Bruno Lemaire. Sont concernées toutes les plateformes qui touchent une commission pour faire de l’entremise numérique.
La taxe concerne également le « ciblage publicitaire » et « l’achat de données personnelles à des fins publicitaires » (art. 1er), c’est-à-dire orienter et financer la publicité en fonction des sites visités par les internautes. Bref, en plus des GAFA, le gouvernement cible en réalité une trentaine d’entreprises « du nouveau monde ». Entre autres, Airbnb, Microsoft, Netflix, Uber, Booking, Ebay.
Une taxe rétroactive de 3 %
Pour tout exercice ouvert au 1er janvier 2019, la trentaine de groupes visée paieront finalement une taxe de 3 % sur leur chiffre d’affaires numérique « réalisé en France », prévoit la réforme. Toutefois, le texte aménage un seuil à 750 millions d’euros (dont plus de 25 millions d’euros de chiffre d’affaires réalisés en France). Cette double limite est un levier qui va permettre de limiter l’impact de cette taxe pour la plupart des start-up françaises du numérique, mais pas toutes. BlaBlaCar pourrait atteindre ce double seuil à moyen terme. Et Leboncoin remplit d’ores et déjà les conditions.
La mesure s’accompagne alors, pour toutes les entreprises françaises qui règlent leurs impôts dans l’Hexagone, d’une déductibilité de l’impôt sur les bénéfices. Le montant acquitté sera déductible du résultat comptable sur lequel l’impôt sur les sociétés est calculé. Si le chiffre d’affaires est « supérieur ou égal à 250 millions d’euros », le taux normal de 33,33 % sera appliqué seulement à « la fraction de bénéfice imposable supérieure à 500 000 € ». Par ailleurs, le taux de 28 % « s’appliquera pour la fraction de bénéfice imposable inférieure ou égale à 500 000 € comme ce sera le cas pour les autres redevables de l’impôt sur les sociétés », aménage l’article 2.
Une réforme attendue au niveau de l’OCDE
L’initiative française a le mérite d’anticiper sur le plan national une réforme que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sera chargée de porter dans les mois à venir sur le plan international. Élaborer une taxe GAFA mondiale est en effet le seul échelon susceptible de lever les blocages et d’éviter le contournement des pays récalcitrants sur ce sujet. « Dès qu’il y aura accord au sein de l’OCDE, les nouvelles règles fiscales prendront la place de notre taxe française », a promis Bruno Lemaire lors de la conférence de presse. Fin janvier, 127 pays ont signé un accord de principe sur la révision des règles fiscales en la matière. Bruno Lemaire veut croire à un consensus à l’horizon 2020.
Pour l’heure, le projet français est savamment combattu par les GAFA. L’ASIC, l’association des « services internet communautaires », le porte-voix des géants du web, préfère défendre une « réforme globale redéfinissant les bases d’imposition, telle que prévue par l’OCDE », la seule, selon elle, « en mesure de corriger l’iniquité de la situation sans affecter l’attractivité ». Certains y voient une manœuvre dilatoire. Les négociations jusqu’à présent n’ayant pas permis de trouver un accord. Reste que dans l’attente, Google paie 80 % de son impôt sur les sociétés aux États-Unis. L’antenne française n’a acquitté que 14 millions d’euros dans l’Hexagone en 2017. Selon les documents financiers déposés au greffe du tribunal de commerce, la société avait pourtant enregistré un chiffre d’affaires record cette même année de 325 millions d’euros. Facebook n’a versé au fisc français « que » 1,9 million la même année. Selon les experts, elle devrait pourtant payer près de 120 millions pour un chiffre d’affaires évalué à 800 millions d’euros.
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