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Témoignages et principe de liberté de la preuve en matière prud’homale

Sur le fondement du principe de liberté de la preuve en matière prud’homale, le juge ne peut écarter, d’une part, le témoignage du salarié, intervenant volontaire à titre accessoire au soutien de la prétention de l’employeur, et, d’autre part, le témoignage anonymisé du salarié. Il lui appartient ensuite d’en apprécier souverainement la valeur et la portée.

La preuve est résolument au cœur des débats devant la chambre sociale de la Cour de cassation ces derniers temps (sur ces questions, v. le dossier spécial « La preuve en droit du travail : évolutions et nouveautés », Lexbase éd. sociale, à paraître au cours de ce mois). Lorsqu’elle n’est pas amenée à se prononcer sur le droit à la preuve, droit subjectif reconnu à tout justiciable sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (sur l’actualité, v. not., le podcast de la Cour de cassation, n° 16, avril 2023, Spécial « Le droit de la preuve et ses effets en droit du travail »), elle s’attarde sur le droit de la preuve.

Le droit de la preuve comprend l’ensemble des règles relatives à la preuve des faits et des actes juridiques, lesquelles définissent la charge, l’objet et les modes de preuve. À propos des derniers, l’arrêt du 19 avril 2023 s’arrête sur la question de la valeur probante des témoignages des salariés devant le juge prud’homal.

En l’espèce, employé par la société Airbus opérations, un salarié fit l’objet d’une mise à pied disciplinaire. Il contesta cette sanction devant la juridiction prud’homale. Sur le fond, il appartenait à l’employeur d’apporter la preuve de la véracité des faits invoqués pour justifier cette sanction.

Écartant certaines productions apportées par l’employeur, et statuant sur les seules dont elle avait admis la valeur probante, la cour d’appel conclut à l’inexistence des faits incriminés à l’encontre du salarié et, partant, à l’annulation de la mise à pied disciplinaire. Précisément, elle écarta d’abord une attestation, remise par un salarié à l’employeur, au motif que le premier, intervenant volontairement à titre accessoire, était partie à la procédure d’appel. Elle déclara ensuite sans valeur probante une attestation « anonyme » d’un salarié, ainsi que le compte rendu de son entretien avec un membre de la DRH, puisque la personne incriminée – le salarié – ne saurait se défendre d’accusations anonymes.

Saisie du pourvoi de l’employeur, la chambre sociale devait se prononcer sur la valeur probante des témoignages des salariés produits par l’employeur. Au double visa du principe de liberté de la preuve en matière prud’homale, elle interdit aux juges du fond d’écarter d’office le témoignage de l’intervenant volontaire à titre accessoire ainsi que le témoignage anonymisé.

Le rappel du principe de liberté de la preuve en matière prud’homale

Puisqu’il est régi par le droit commun (C. trav., art. L. 1221-1), les règles relatives à la preuve des obligations s’appliquent également au contrat de travail (sur ces questions, v. Rép. trav., Preuve dans les contentieux du travail, par O. Leclerc). Non réformées au fond par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (E. Vergès, Droit de la preuve : une réforme en trompe-l’œil, JCP 2016. 486 ; G. Lardeux, Commentaire du titre IV bis nouveau du livre III du code civil intitulé « De la preuve des obligations » ou l’art de ne pas réformer, D. 2016. 850 ), les dispositions relatives à la preuve des obligations sont réorganisées aux articles 1353 et suivants du code civil. Dans les grandes lignes, les principes sont ceux d’une charge de la preuve incombant au demandeur (C. civ., art. 1353) et de la liberté de la preuve (C. civ., art. 1358). Sauf dispositions contraires, ces principes s’appliquent en matière prud’homale.

Aussi, la liberté de la preuve devrait conduire la juridiction prud’homale à ne rejeter que, par exception, certains modes de preuve. Il en est d’autant plus le cas des témoignages qui sont un mode de preuve très usuel en la matière (O....

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