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Doit être annulé et ne peut être converti en la forme internationale le testament mystique remis à un notaire par une testatrice en train de devenir aveugle, s’il n’est pas démontré qu’elle pouvait lire le document qu’elle présentait comme son testament.
par Quentin Guiguet-Schielé, Maître de conférences, Université Toulouse 1 Capitolele 7 novembre 2022
En matière testamentaire, la Cour de cassation est adepte du « formalisme intelligent », un procédé consistant à faire ressortir la finalité poursuivie par une règle de forme afin de préciser les conditions de son application. Le formalisme testamentaire garantit la conformité de l’acte aux dernières volontés du testateur : en l’absence de doute sur cette conformité, la règle de forme peut être assouplie. L’inverse est tout aussi vrai : lorsqu’il ne peut être établi avec certitude que le document reflète les volontés du de cujus, la règle de forme déploie son plein effet. Tel est le cas de l’article 978 du code civil selon lequel « ceux qui ne savent ou ne peuvent lire ne pourront faire de dispositions dans la forme du testament mystique » et dont l’application, assez rare, est l’objet de l’arrêt rendu ce 12 octobre 2022 par la première chambre civile de la Cour de cassation.
Au cas d’espèce, le 31 juillet 2014 une personne atteinte de la maladie neurodégénérative de Steel Richardson (cécité progressive) avait remis, à un notaire en présence de deux témoins, un testament mystique dactylographié et signé désignant un légataire universel. Dans l’acte de suscription, le notaire avait mentionné que le testament mystique lui avait été remis par « le testateur » qui avait déclaré lui présenter son testament et affirmé en avoir personnellement vérifié le libellé « par la lecture qu’“il” en avait été effectué » (§ 7). La testatrice fut placée sous tutelle en 2015 et décéda quelques mois plus tard, laissant ses frères et sœurs pour lui succéder.
Ceux-ci assignèrent le légataire universel en nullité du testament, arguant notamment de l’affection dont souffrait la testatrice au moment de la rédaction du testament : en raison de la diminution de son acuité visuelle, elle ne pouvait faire de disposition en la forme mystique, en application de l’article 978 du code civil. Le défendeur s’opposa à l’application de ce texte et formula une demande reconventionnelle de conversion par réduction du testament mystique en testament en la forme internationale.
Le 28 janvier 2021, la cour d’appel de Nîmes fit droit à la demande en nullité et rejeta la demande de conversion par réduction, au motif que l’acuité visuelle de la testatrice ne lui permettait pas de lire les caractères dactylographiés, de taille normale, du document qu’elle avait présenté au notaire comme son testament, et qu’aucun élément de l’acte lui-même ou de l’acte de suscription ne l’éclairait sur le procédé technique qui aurait pu permettre à la testatrice de lire son testament.
Le défendeur succombant forma un pourvoi en cassation articulé en deux moyens. Selon le premier moyen (§ 5), les juges du fond ne pouvaient faire droit à la demande en nullité fondée sur l’article 978 du code civil sans constater une impossibilité absolue de la testatrice à lire son testament (branche n° 1). Cela reviendrait à inverser la charge de la preuve en exigeant du défendeur qu’il démontre la possibilité pour la testatrice de lire son testament (branche n° 2). La cassation se justifierait donc pour manque de base légale au regard de l’article 978 du code civil et pour violation de l’article 9 du code de procédure civile.
Selon le second moyen (§ 11), la cour d’appel aurait violé l’article 1er de la loi uniforme annexée à la Convention de Washington du 26 octobre 1973 en ne tirant pas les conséquences de ses propres constatations. En effet, il résultait de ses motifs que l’ensemble des conditions de forme prescrites aux articles 3 à 5 de cette convention avaient été respectées, de sorte que l’acte devrait valoir comme testament en la forme internationale.
La Cour de cassation était donc confrontée à la question de la validité du testament mystique remis par une personne qui, souffrant de la maladie neurodégénérative de Steel Richardson, ne peut pas en lire seule le contenu. Un tel document est-il nul en application de l’article 978 du code civil ? Peut-il...
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