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Tire le code PIN et l’aveu cherra

La Cour de cassation s’est repenchée le 7 novembre 2022 sur l’article 434-15-2 du code pénal en confirmant son application au cas du code de déverrouillage de l’écran d’accueil d’un téléphone portable.

Il était attendu, cet arrêt d’Assemblée plénière ! Attendu par les enquêteurs, par la doctrine, mais aussi par de nombreux avocats conscients des répercussions potentielles dans des affaires où le rôle du numérique s’avère de plus en plus crucial. L’Assemblée plénière avait été convoquée pour statuer sur un sujet technique auquel les enquêteurs sont désormais confrontés : le chiffrement de données pouvant être utiles aux investigations. Trois semaines plus tard, elle a rendu sa décision, issue un d’un va-et-vient jurisprudentiel débuté il y a plus de quatre ans et se cristallisant autour de l’article 434-15-2 du code pénal.

Une lecture pragmatique de l’article 434-15-2 du code pénal

Il s’agissait de démêler une question juridique sur laquelle la cour d’appel de Douai, saisie à deux reprises, et la chambre criminelle (Crim. 13 oct. 2020, n° 20-80.150, Dalloz actualité, 20 oct. 2020, obs. S. Fucini ; D. 2021. 609 , note S. Vergnolle ; AJ pénal 2020. 587, obs. P. de Combles de Nayves ; Dalloz IP/IT 2021. 54, obs. M. Quéméner ) ne s’étaient pas accordées.

La question était de déterminer si le code de déverrouillage de l’écran d’accueil d’un téléphone doit être considéré comme une « convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie » – autrement dit de comprendre si ce code fourni par l’utilisateur a un rôle sur le déchiffrement de son contenu ou des données qu’il transmet – auquel cas le refus de le donner à la justice deviendrait un délit au sens de l’article 434-15-2 du code pénal.

Pour y répondre, la Cour de cassation renvoie d’abord à l’article 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qui aborde la question sous un angle et un vocable plus technique (encore) en précisant ce qu’est un « moyen de cryptologie ». Par cette lecture combinée, elle estime que le code de déverrouillage peut en faire partie dans la mesure où il peut s’agir d’une information jouant un rôle dans le chiffrement du téléphone. C’est ce lien causal qui avait pu être discuté par les juges du fond et une partie de la doctrine, ne faisant pas l’unanimité, mais la Cour ne s’étend finalement pas pour en justifier. Elle semble suivre une analyse technique (M. Audibert, Code de déverrouillage d’un téléphone portable, Centre de recherche de l’école des officiers de la gendarmerie nationale, La Veille juridique n° 90, oct. 2020, p. 28-29 not.) ayant démontré qu’il serait faux de conclure que ce code se réduirait toujours et forcément à une simple fonction d’authentification. De plus en plus de téléphones l’associent en effet à une fonction de protection des données (autrement dit à un module de chiffrement), et cela de façon automatique ou, selon les modèles, à la discrétion d’une activation de l’utilisateur. C’est cette interdépendance technique qui transparaît dans le raisonnement de la Cour de cassation.

Soulignons d’ailleurs que la Cour n’a pour autant pas explicitement repris un argument invoqué par le parquet général lors de l’audience (A. Bloch, La Cour de cassation se (re)penche sur les codes de déverrouillage des portables, Dalloz actualité, 18 oct. 2022), s’agissant de la nécessité d’employer une méthode téléologique pour interpréter l’article 434-15-2 du code pénal afin d’y inclure méthodes de chiffrement contemporaines et spécifiquement le cas des smartphones n’existant pas lors de la rédaction du texte. La réponse apportée par la Cour de cassation se veut malgré tout pragmatique, interprétant de façon extensive la notion de convention secrète de déchiffrement afin d’y inclure le code de déverrouillage, non qu’il soit directement cette convention mais plus fréquemment partie prenante à cette dernière.

Si cette relation causale entre code de déverrouillage et chiffrement n’est pas systématique et plutôt liée à des smartphones...

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