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Devant la 3e chambre du tribunal de Paris, l’avocat Daniel Soulez-Larivière a assigné l’avocate Aurore Boyard pour contrefaçon du titre « L’avocature ».
par Marine Babonneaule 23 septembre 2019
En 1982, Me Daniel Soulez-Larivière publie un ouvrage qui s’intitule « L’avocature ». Il en écrira bien d’autres mais c’est le premier qui nous intéresse. Me Aurore Boyard va écrire plusieurs livres également dont un paru en 2016 qu’elle titrera « De l’avocation à l’avocature ». Elle décide de relancer la vente de ces ouvrages en 2018 et publie trois tomes intitulés, chacun, « L’avocation », « L’avocature » et « L’avocatesse ». Daniel Soulez-Larivière, qui n’avait rien vu jusqu’alors, voit rouge, il estime qu’Aurore Boyard a « pillé » son titre en connaissance de cause tant l’ouvrage de 1982 était devenu une institution dans la profession. Y’a-t-il eu, oui ou non, contrefaçon du titre ?
Mardi 17 septembre, Daniel Soulez-Larivière n’est pas présent à l’audience. Pour le défendre, Christophe Bigot et Henri Leclerc. Il leur faut démontrer que le titre « L’avocature » est protégé par le droit d’auteur en raison de son originalité et à défaut, qu’il y a un risque de confusion entre les deux livres. « C’est un contentieux entre avocats, il se complique donc forcément, a débuté Christophe Bigot. Cet ouvrage, édité en 1982, réédité à plusieurs reprises dont cet été, a fait date, le titre est connu de tous. La particularité de cette affaire est que l’ouvrage de Me Boyard ne s’est intitulé « L’avocature » qu’en 2018. Pour apprécier l’originalité du titre, le tribunal doit se replacer en 1982. Ce n’est pas un exercice facile car le terme a eu une vie. Quels sont les éléments à retenir sur le terrain de l’originalité ? « L’avocature » n’est pas un terme du langage commun qui figurerait dans le dictionnaire, même juridique. C’est acquis. En 1982, ce terme, que Daniel Soulez-Larivière a inventé, est-il déjà utilisé ? Il y a trois occurrences ! L’une au Moyen-Âge, l’autre au XIXe siècle et la dernière à l’étranger. Je ne vois pas mieux pour démontrer que le terme est peu utilisé… la défense a finalement trouvé seize occurrences en 300 ans dont une en Hongrie. (…) Par ailleurs, il n’existe aucune définition univoque du terme « avocature », qui a été jugé comme « barbarisme » par un chroniqueur judiciaire du Monde. Il s’agissait, pour Daniel Soulez-Larivière, de ne pas être enfermé dans un registre de la profession. Ce néologisme porte l’empreinte de l’auteur. C’est un titre original. Oui, Daniel Soulez-Larivière l’a bien imaginé dès 1982. », continue l’avocat. Pour Me Bigot, enfin, le risque de confusion est évident, estime-t-il, peu importe, comme l’affirme la défense que dans un cas, il s’agit d’un essai et dans l’autre un roman. On s’adresse au même public ! Soulez-Larivière s’est fait piller son titre purement et simplement ».
Au tour d’Henri Leclerc, ennuyé de ce « problème délicat ». « Ce n’est pas agréable quand deux confrères s’affrontent, d’autant moins que je connais Me Boyard que j’apprécie et que je connais aussi DSL depuis cinquante ans. Pourquoi je plaide cette affaire ? Je crois que Daniel Soulez-Larivière a été très blessé par cette affaire. Ca peut paraître curieux. Il a écrit cet ouvrage en 1982, qui a été connu grâce à ce terme, il a l’impression qu’on l’a volé et qu’on n’a pas voulu discuter avec lui. Il y a eu un refus absolu, de l’autre côté de la barre, de reconnaître la paternité du mot ». Pour l’avocat patriarche, le titre « l’avocature est aussi original dans sa conception que dans sa signification. (…) Le terme est d’ailleurs souvent utilisé avec des guillemets tant c’est le mot de Soulez-Larivière. (…) Il ne prétend pas avoir la propriété sur le mot mais sur le titre. (…) En 1982, l’ensemble de la profession en parle, pas un congrès, pas un colloque où la référence au livre n’est pas faite. C’est un livre de sociologie juridique sur la place de l’avocat (…) qui correspond à la personnalité de l’auteur ». Daniel Soulez-Larivière est « l’inventeur du terme », point.
En défense, Olivier Morice et Pierre Hoffman. « On nous explique que l’originalité du titre résiderait dans le fait que Daniel Soulez-Larivière a inventé ce néologisme. Après avoir sorti les occurrences, on a sorti les rames, ironise-t-il. Je sais quand même faire la différence entre un inventeur et un réinventeur ! », s’agace Me Hoffman. « Ce mot n’appartient à personne car il n’a pas été créé en 1982. (…) Il n’y a aucun risque de confusion entre un essai et l’ouvrage de Mme Boyard, qui est « Un Bridget Jones du droit ». Il n’y a aucune concurrence déloyale ». C’est même « une imposture de faire croire qu’il aurait inventé ce terme, ce néologisme », raille Olivier Morice en rappelant les ouvrages – certes forts anciens – qui utilisent le terme. « Avec Daniel Soulez-Larivière, c’est toujours la première fois ! ». D’ailleurs, la revue satirique de l’UJA ne s’était-elle pas, dès la sortie de « L’avocature », moquée de l’avocat en présentant son prochain livre « La clienture » ? Olivier Morice en rajoute une couche. « Daniel Soulez-Larivière est un donneur de leçon perpétuel, notamment envers les magistrats. (…) Monsieur Soulez-Larivière est hors-sol, plus du tout dans le registre de quelqu’un qui a pris le melon, qui serait dans une montgolfière mais il est en orbite sidéral. (…) Il y a une seule chose qui pourra la faire descendre sur terre : c’est la décision de justice. Il n’est pas l’inventeur du terme « l’avocature », il n’y pas de concurrence déloyale et il n’y a pas parasitisme ».
Délibéré le 21 novembre.
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