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Toutes les boîtes mail d’avocats ne sont pas admises pour déposer des requêtes

Conformément à l’article D. 591 du code de procédure pénale, une requête transmise par un avocat, à partir de son adresse mail « yahoo.fr », est dépourvue d’effet régularisateur, faute d’avoir été envoyée depuis une adresse mail sécurisée e-Barreau. Par ailleurs, une requête non signée par son auteur est impuissante à saisir la commission de recours des officiers de police judiciaire et n’a aucun effet interruptif sur les délais de forclusion. Faute de disposition le prévoyant expressément, l’absence d’indication du recours ouvert et de son délai dans la décision attaquée n’a aucune incidence. Enfin, la date à prendre en compte pour apprécier le respect du délai de forclusion d’un mois est celle de la réception de l’acte au secrétariat de la commission.    

L’affaire commentée est relative à un retrait d’habilitation d’un officier de police judiciaire par le procureur général. Selon l’article 13 du code de procédure pénale, ce magistrat est chargé de la surveillance de la police judiciaire. À cet égard, il dispose du pouvoir de suspendre ou de retirer les habilitations de police judiciaire (C. pr. pén., art. 16-1). Sa décision est susceptible d’un recours devant une commission composée de trois magistrats du siège de la Cour de cassation (C. pr. pén., art. 16-2). Les articles R. 15-7 et suivants du code de procédure pénale décrivent la composition et la procédure applicable devant la commission de recours des officiers de police judiciaire. Cette procédure a récemment fait l’objet d’éclaircissements prétoriens, notamment quant à l’office de la commission : elle doit procéder à un réexamen en fait comme en droit et sa décision est susceptible d’être contrôlée par la Cour de cassation consécutivement à un pourvoi formé pour violation de la loi (Crim. 8 janv. 2019, n° 18-82.353, Dalloz actualité, 30 janv. 2019, obs. M. Recotillet ; D. 2019. 74 ; AJ pénal 2019. 157, obs. J. Andrei ).

L’arrêt commenté a pour objet une décision d’irrecevabilité rendue par la commission de recours des officiers de police judiciaire. Cependant, il n’est pas tant relatif au contentieux disciplinaire qu’à la procédure applicable lors de l’exercice d’une voie de recours. Il est donc important de ne pas se méprendre sur la portée de l’arrêt, qui a vocation à rejaillir sur l’ensemble de la procédure et qui a de nombreuses incidences pratiques.

Par un arrêté du 24 mars 2023, un procureur général a prononcé le retrait de l’habilitation en qualité d’officier de police judiciaire accordée à un adjudant-chef de la gendarmerie nationale. L’intéressé a formé un recours gracieux, mais le procureur général a rejeté sa demande par décision du 15 mai 2023 notifiée le 22 mai suivant. Le militaire a donc formé un recours devant la commission prévue à l’article 16-2 du code de procédure pénale. Selon ce même texte, le délai ouvert pour former le recours est d’un mois à partir de la notification du rejet explicite ou implicite de la demande gracieuse adressée au procureur général. La première requête envoyée à la commission respectait bien ce délai, puisqu’elle a été enregistrée au secrétariat de la commission le 20 juin 2023. Toutefois, elle n’était pas signée par l’officier en cause. Son avocat a tenté une régularisation, en envoyant par mail, le même jour, une requête signée. En outre, il a fait parvenir une requête régulière par voie postale, postée dès le lendemain (21 juin) et arrivée au greffe le 26 juin. En dépit de ces efforts, la requête a été jugée irrecevable par une décision du 3 octobre 2023. Cette décision était elle-même susceptible d’un recours, dans le délai du pourvoi en cassation en matière pénale, c’est-à-dire cinq jours (depuis le 30 sept. dernier, ce délai est porté à 10 jours). Cette fois-ci, le recours a été jugé recevable. Dans son arrêt, la Cour de cassation apporte des précisions sur le régime de la régularisation des actes afférents aux voies de recours, notamment quant à la question de la signature, de la communication par voie électronique, du formalisme de la décision et des dates à prendre en compte pour apprécier les délais.

De l’irrégularité de la requête et de son absence d’effet interruptif

Dans sa décision, la commission de recours a déclaré irrecevable la requête parvenue à son secrétariat le 20 juin 2023, aux motifs qu’elle n’était pas signée par l’officier de police judiciaire, mais seulement par son avocat. Or, l’article R. 15-8 du code de procédure pénale exige expressément que la requête soit signée. Le pourvoi a tenté de faire valoir que l’absence de signature ne suffisait pas à entraîner la nullité ou l’irrecevabilité de la requête, mais la chambre criminelle ne l’a pas suivi. En effet, elle a retenu que l’exigence de signature constituait une formalité substantielle nécessaire à une bonne administration de la justice. Elle a ensuite ajouté qu’une requête qui ne répondait pas à cette exigence ne pouvait pas saisir la commission de recours.

La première partie des motifs de la Cour de cassation ne se prête pas à la critique. Il est en effet largement admis que des actes irréguliers reçoivent sanction procédurale même si le texte prescrivant la formalité méconnue ne la prévoit pas expressément. C’est par exemple le cas des nullités dites « virtuelles », sanction de formalités substantielles qui ne sont pourtant pas prescrites à peine de nullité par le code de procédure pénale (J. Danet, Brèves remarques sur la typologie et la mise en œuvre des nullités, AJ pénal 2005. 133 ). Ce qui étonne, c’est la sanction retenue par la chambre criminelle. En principe, la méconnaissance du formalisme d’un acte de procédure est sanctionnée par une nullité pour vice de forme (même s’il faut reconnaître que la distinction entre vice de forme et irrégularité de fond n’est pas vraiment opérante en procédure pénale). Or, la chambre criminelle ne retient pas cette sanction. Elle estime plutôt que la requête dépourvue de signature est impuissante à saisir la commission.

Dans un premier temps, on pourrait estimer qu’il s’agit d’un raccourci, fondé sur l’idée que l’annulation d’un acte introductif d’instance...

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